En phase de test, le projet Enum identifie chaque volontaire à partir d’un numéro de téléphone unique qui sert de passerelle vers le fax, l’e-mail ou le Web. La convergence entre téléphonie et Internet tourne au fichage. Au flicage ?
 Julien Chambaud |
Approuvé par l’IETF (Internet Engineering Task Force, l’organisme qui développe les protocoles Internet ), le projet Enum consiste à créer une immense base de données qui indexerait chaque individu à partir de son numéro de téléphone, où qu’il vive dans le monde. La fiche de chaque individu contiendrait ce numéro d’appel principal, mais aussi une adresse e-mail et, s’il le désire, d’autres numéros de téléphone (à la maison, sur le portable), un numéro de fax, une adresse Web (URL) ou une adresse IP... Apparemment basique, ce projet pourrait en fait avoir d’importantes conséquences, dont certaines sont assez fâcheuses.
"Le temps est venu où les cartes de visite ne contiendront plus une longue liste de numéros de téléphone, de fax et d’e-mail, peut-on lire sur le site www.enumworld.com. La carte de visite du futur contiendra plutôt un seul numéro et différents services utiliseront Internet pour traduire ce numéro en adresses spécifiques." En somme, vous seriez un numéro. En tapant ce numéro dans une messagerie, par exemple, n’importe qui pourrait vous envoyer un e-mail. On pourrait aussi vous joindre sur le bon poste lorsque vous seriez en déplacement, mais vous devriez effectuer vous-même le transfert sur votre fiche. Autre exemple : votre correspondant pourrait laisser un message vocal qui serait transformé en e-mail par un serveur approprié, si d’aventure vous décidiez de ne plus répondre au téléphone.
Test poussif
Depuis le 20 décembre 2000 et pour six mois, un test est organisé par Verisign et Telcordia Technologies sur le enumworld.com. Pour y participer, il suffit de fournir au moins un numéro de téléphone, un nom et une adresse e-mail valide. On peut ainsi accéder à l’ensemble de l’annuaire. Les organisateurs promettent que les données fournies seront détruites à l’issue du test. L’inscription n’est pas encore très pratique, puisque ne sont pas encore reconnus tous les indicatifs internationaux, loin de là. Et en l’absence d’applications spécifiques à ce jour (des messageries compatibles par exemple), l’intérêt est quasi-nul. Mais passons.
Verisign, qui possède désormais Network Solutions (NSI), un service d’enregistrement de noms de domaines, compte beaucoup sur ce projet pour devenir le registre central d’ Enum. Et - qui sait - ce service pourrait aussi devenir une option (payante) proposée aux candidats qui souhaitent acquérir un nom de domaine auprès de NSI. Cet "annuaire automatique" pourrait par ailleurs être un catalyseur pour le développement de la téléphonie sur Internet qui permet des appels internationaux pour le coût d’une communication locale (ou presque). Un logiciel de téléphonie compatible Enum pourrait, par exemple, permettre de joindre un correspondant sur son ordinateur en tapant simplement son numéro habituel, et non une adresse IP compliquée. Les particuliers et les entreprises pourraient également gérer eux-mêmes les fonctions de renvoi téléphonique, ou tout au moins les confier à des entreprises Internet plutôt qu’à leur opérateur téléphonique qui facture parfois ce type de service.
Cisco, Lucent et Nortel sur les rangs
Un nouveau business est né. Car les éditeurs de logiciels, les entreprises et les particuliers devront payer pour bénéficier de "l’aiguilleur" Enum. Cisco, Lucent et Nortel devraient lancer les premiers logiciels Enum dès 2001. Comme il est indiqué sur le site, le développement d’Enum n’est pas figé : il dépend des applications que proposeront les futurs partenaires de l’entreprise. Parmi toutes les incertitudes, une autre question d’importance n’est pas encore tranchée : ce super carrefour de communication mondiale sera-t-il surveillé par l’Etat américain ? Un homme, un numéro, et l’...tat qui compte les points : ce serait tellement pratique...