Une étude britannique estime que les sonneries de téléphones portables coûtent 1 million de dollars par jour aux maisons de disques ! Car ces quelques notes de musique sont elles aussi astreintes aux droits d’auteur. Des plaintes ont même déjà été déposées.
Les accros aux sonneries de portable kitsch seront sans doute surpris : la douzaine de notes qui sortent de leurs mobiles, reprenant les thèmes de Mission Impossible, d’Albator ou de l’Agence Tous Risques, ne sont pas gratuites. Chacun des sites proposant de les télécharger sur un téléphone est en effet tenu de verser des royalties aux auteurs des mélodies originales. Mais tous ne le font pas. La société britannique Envisional a ainsi publié une étude sur cette "violation massive de la propriété intellectuelle", avec ce chiffre étonnant : les téléchargements illégaux de sonneries de portables représenteraient, chaque jour, un manque à gagner d’un million de dollars (7 millions de francs) pour les maisons de disques.
Un marché mésestimé
Comment Envisional, qui a réalisé l’étude à la demande de deux gros labels, en est-il arrivé à ce montant ? Sur 1 400 sites proposant des sonneries, il a estimé (sur une base plutôt floue) qu’une majorité d’entre eux ne versait aucun droit d’auteur. Sachant que, normalement, chacun est tenu de débourser 7,5 cents par sonnerie téléchargée, les dommages atteignent 1 million de dollars par jour. Le calcul est sans doute approximatif, mais il met en lumière la bonne santé d’un marché mésestimé. Qui rapporte gros aux sociétés vendant ces mélodies sur leur site lorsqu’elles passent des accords avec les opérateurs de mobiles. Ou qu’elles affichent des bannières publicitaires parfois incontournables pour télécharger la musique.
Trois notes suffisent
"En matière de musique, il n’y a pas de droit de citation. Que vous repreniez trois secondes ou trois heures d’un morceau, c’est pareil", explique Murielle Isabelle Cahen, avocate du site Avocat Online. En clair : trois notes reconnaissables d’un générique ou d’une chanson sur votre portable suffisent pour que les représentants des artistes portent plainte (contre les sites seulement : les utilisateurs individuels ne risquent rien). C’est pourquoi beaucoup de start-ups qui se sont lancées dans le secteur, comme Digiplug ou Kiwee, ont préféré passer des accords avec la Sacem et la SDRM (Société des droits de reproduction mécanique). Elles vendent donc en toute légalité des téléchargements aux internautes. "Nous reversons ainsi 20 % de ce que nous rapporte chaque téléchargement aux sociétés d’auteurs", indique Sandrine Chantail, responsable marketing de Digiplug. Sur le site Bouygtel (pour lequel travaille Digiplug), télécharger une sonnerie vous coûtera 5 francs : 1 franc tombera donc dans l’escarcelle de la Sacem-SDRM.
Les effets Napster
Digiplug a passé un "accord de partenariat exclusif" avec la maison de disque Universal, qui lui donne le droit de mettre à disposition des internautes des extraits des tubes de stars maison : le fait même d’inscrire en toutes lettres sur le site le nom "Eminem" ou "Mission impossible" (deux gros hits de sonnerie) est aussi payant ! "Nous évitons des "effets Napster" qu’on ne pourrait pas gérer !", admet Sandrine Chantail. Comprendre : les vendeurs de musique ont la poursuite facile, autant ne pas s’y exposer. Quand les maisons de disques se déchaînent, ça fait mal : en août 2000, le label britannique EMI a réclamé 45 millions de dollars à YourMobile, parce que ses sonneries violaient le copyright du groupe Nirvana, des Rolling Stones et de John Lennon ! À quand la contagion en France ? Beaucoup de responsables de sites français ne versant pas de droits, la craignent : "Je sais que je ne pourrai pas payer. Je fermerai", confesse un webmestre de Bordeaux, qui préfère garder l’anonymat. Actuellement, il gagne 1 500 à 2 000 francs par mois grâce à son site. Il espère pourtant bien que ça durera, "le plus longtemps possible".