L’hébergeur chez.com a pris l’initiative de fermer, pour atteinte à la propriété intellectuelle, un site pastiche. L’auteur lance une pétition sur le Web.
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À peine votée (le 28 juin dernier) et pas encore en vigueur, la loi censée préciser la responsabilité des hébergeurs de sites Web (lire
La loi sur les hébergeurs est adoptée) pose déjà des problèmes. Notamment sur l’interprétation que peut en faire un responsable de service d’hébergement. C’est le cas de chez.com, hébergeur gratuit, qui a choisi d’anticiper l’éventuelle décision d’un juge en coupant l’accès à l’un des sites qu’il stockait.
Le site en question est l’œuvre d’un jeune cadre en informatique, Lamine Djaziri. Il s’est interrogé sur l’identité des membres du MAOL, le Mouvement algérien des officiers libres, organisme officieux qui distille en Europe des informations sur la situation en Algérie et se proclame indépendant. Et Lamine s’est rendu compte que le site du MAOL était hébergé par un proche de la mouvance islamiste. Il a alors publié les résultats de son enquête sur le Web.
Au printemps dernier, chez.com l’a enjoint de modifier la mise en page de son site. L’hébergeur a reçu une plainte. Pas pour diffamation. "Le contenu des textes n’a jamais été mis en cause", nous confirme Albin Serviant, directeur marketing de chez.com. On reproche à l’auteur d’avoir copié la charte graphique du site du MAOL et son logo.
"Un genre autorisé"
Si le fond d’écran est approchant - l’insigne de l’armée algérienne et les boutons de navigation sont identiques - ,la page d’accueil précise bien qu’il s’agit d’un pastiche. "C’est un genre autorisé !", proteste Liamine Djaziri auprès de l’hébergeur. Celui-ci, dans un premier temps, reconnaît son "droit au pastiche". Mais le 7 juillet - le vote de la loi est sans doute passé par là - l’auteur est de nouveau prié de modifier son site sous peine de fermeture le 14 juillet. L’hébergeur évoque le "contexte législatif et jurisprudentiel", soit les fameuses "diligences appropriées" mentionnées dans l’amendement Bloche (lire La loi sur les hébergeurs dans la dernière ligne droite) et précisées par Catherine Tasca lors des débats. "L’hébergeur devra, le cas échéant, interdire l’accès aux contenus illicites", avait déclaré la ministre.
Manifestement illicite ?
Entre temps, chez.com s’est fait une opinion : la question du pastiche ne se pose plus. "Il ne peut y avoir pastiche que lorsque les deux parties sont d’accord", se défend Albin Serviant. Il ajoute que "de toute façon, c’est contraire à la charte de Chez". Celle-ci prône le respect du code de la propriété intellectuelle. Que dit le code ? Que le pastiche "ne peut être interdit, en tenant compte des lois du genre". "C’est vraiment à juger au cas par cas", traduit un magistrat parisien.
Dès lors, comment l’hébergeur peut-il, aussi rapidement, juger illicite le site en question ? "De toute façon, estime Arno (auteur d’un pastiche du site de l’...lysée), le caractère illicite ne sera jamais évident. Lors des débats sur l’amendement Bloche, les politiques ont passé leur temps à mettre en avant les sites nazis et pédophiles, parce que c’était facile. Mais dès qu’il s’agit de cas entre-deux, on est dans le flou. Et les hébergeurs ne prennent pas de risques."
Après quelques hésitations, chez.com a fini par mettre ses menaces à exécution. Lamine Djaziri a déjà contre-attaqué en lançant une pétition sur le Web. Il a trouvé des soutiens. Auprès du réseau Voltaire, par exemple, qui, après avoir appris la fermeture du site, vendredi, a aussitôt accueilli les pages de Lamine Djaziri sur son propre serveur. Le jeune homme compte aussi appeler au boycott de chez.com,et envisage même de porter plainte contre le prestataire,"pour le principe, parce que les hébergeurs n’ont pas à agir en juges".
Le site pastiche, hébergé par le réseau Voltaire:
http://www.reseauvoltaire.net/maol/...
Article L211-3 du code de la propriété intellectuelle
http://www.legifrance.gouv.fr
Site du MAOL:
http://www.anp.org
Nouveau site de Lamine Djaziri
http://www.multimania.com/djaziri