Le report du lancement d’un satellite d’espionnage de l’armée américaine intervient alors qu’une enquête dénonce les dérives budgétaires, stratégiques et technologiques du National Reconnaissance Office (NRO), le service de renseignement américain chargé de l’imagerie spatiale. Cette agence militaire est accusée d’avoir été incapable de lancer le moindre satellite depuis les attentats du 11 septembre 2001.
Censé redorer le blason du NRO, le lancement de la fusée Titan IV B-36/NROL-19, prévu le 18 août, vient d’être reporté à plusieurs reprises, selon les communiqués de presse de la base de Cap Canaveral. La mise en orbite du nouveau satellite espion ne devrait finalement pas avoir lieu avant le 6 septembre, au mieux, selon SpaceFlight.com.
Le report serait dû à une fuite de péroxyde d’azote, un agent toxique
explosif contenu dans le propulseur de la fusée Titan
IV, construite par Lockheed
Martin pour l’armée américaine.
Le NRO, une agence controversée
Cet incident intervient alors que le NRO, doté d’un budget annuel de 7 milliards de dollars, fait l’objet de virulentes critiques émanant de la communauté américaine du renseignement. Le NRO n’a lancé aucun satellite depuis le 11 septembre 2001, alors que les besoins des services de renseignements américains, sur fond de guerre au terrorisme, n’ont pas cessé de croître.
Douglas Pasternak, journaliste au magazine US News, a passé quatre mois à enquêter sur le sujet, interviewant "trois douzaines" d’officiels du NRO, de la CIA et du département de la Défense américain. Dans un article publié le 11 août dernier, il dresse un portrait à charge du NRO.
Suite aux défaillances techniques de deux satellites "top secrets", lancés à l’automne 2001, le NRO avait interrompu ses lancements. Le lancement du Titan IV B-36/NROL-19 apparaissait dès lors
comme une "test critique" pour l’agence. D’autant que, selon Pasternak, le nouvel espion spatial du Pentagone n’était qu’une simple mise à jour d’un précédent satellite, de la série des Mercury, perdu en 1998 suite, lui aussi, à une défaillance d’un propulseur Titan de la société Lockheed Martin.
Des dépassements budgétaires ont par ailleurs retardé plusieurs autres projets. Au moins quatre satellites ont ainsi vu leurs budgets amputés afin d’enrayer les surcoûts. La logique adoptée par l’agence -"faster, better, cheaper" ("plus vite, mieux, moins cher") serait une des principales causes de ces déboires à répétition.
Un directeur au lourd passé
Interrogé par le Senate Select Committee on
Intelligence, chargé de veiller au bon fonctionnement du renseignement américain, Peter Teets, actuel directeur du NRO, s’explique : "Nous retirons de l’argent de programmes stables pour régler les problèmes de programmes instables. En d’autres termes, nous cassons un projet pour en réparer un autre."
Le parcours professionnel de Peter Teets est surprenant. L’actuel directeur du NRO est l’ancien directeur de Lockheed Martin, poussé à la démission en 1999 à cause... de sa gestion hasardeuse des propulseurs Titan ! Au cours de son passage chez Lockheed, trois satellites du NRO avaient été perdus. Coût du désastre : 3 milliards de dollars.
"Another slip for Titan 4" (Space.com)
http://www.space.com/missionlaunche...
"Titan 4 rocket launch postponed into September" (Space Flight Now):
http://www.spaceflightnow.com/titan...
"Titan 4 B-36 launch journal" (Florida Today):
http://www.floridatoday.com/journal...
"Titan Rocket Launch Delayed Until September":
http://story.news.yahoo.com/news?tm...
"Fuel Leak Prompts Evacuations At Titan Launch Complex":
http://story.news.yahoo.com/news?tm...
Le dossier de Douglas Pasternak dans US News:
http://www.usnews.com/usnews/issue/...
Les communiqués de la Patrick Air Force Base - 45th Space Wing
https://www.patrick.af.mil/45SW/PA/...
"180 milliards de francs pour les nouvelles technologies" (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a4775
"Le satellite espion démasqué" (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a7490