Le mercredi 20 aout 2003, l’association bordelaise de lutte contre le nucléaire Tchernoblaye a assigné EDF en justice. Motif de la plainte : la centrale nucléaire du Blayais, située à Saint-Ciers-sur-Gironde, fonctionne depuis le 1er avril 2003 sans autorisation de rejet et de prélèvement d’eau.
"Depuis presque 5 mois, EDF, propriétaire de la centrale du Blayais, est hors-la-loi. Un comble, pour une administration qui nous reproche régulièrement l’illégalité de nos actions !", déplore Stéphane Lhomme, président de l’association Tchernoblaye et porte-parole du réseau Sortir du nucléaire, qui fédère 650 associations de lutte contre le nucléaire.
C’est la deuxième fois que l’association bordelaise porte plainte contre EDF, pour les mêmes motifs. La première fois, en mai dernier, Tchernoblaye s’était fait débouter pour des raisons de statuts, la possibilité d’avoir recours à la justice ne figurant pas dans les textes de l’association.
"De toute façon, EDF obtiendra cette autorisation un jour ou l’autre, cela ne fait aucun doute. En attendant, nous demandons une astreinte d’un euro par litre pompé et d’un euro par litre rejeté, soit environ 1 milliard d’euros par jour", explique Stéphane Lhomme.
Chiffre phénoménal, mais qui s’explique par le fait que, selon Lhomme, la centrale pompe 156 m3 d’eau par seconde : la largeur de l’estuaire de la Gironde permet en effet de se passer d’un circuit de refroidissement de l’eau, compensé par un pompage massif dans la Garonne.
Des rejets à l’appellation trompeuse
Côté administration, les responsables chargés de la surveillance de la centrale du Blayais ne cherchent pas à nier que la centrale fonctionne sans autorisation.
"Cette autorisation concerne non pas le rejet des déchets radioactifs, pour laquelle la centrale possède une autorisation qui n’est pas limitée dans le temps, mais une fraction des rejets non-radioactifs", explique Daniel Fauvre, chef de division de la Sûreté Nucléaire et de la Radioprotection de Bordeaux.
L’appellation est cela dit trompeuse : les rejets "non-radioactifs" concernent en effet des produits gazeux ou liquides qui proviennent des phases d’exploitation ou de maintenance des réacteurs et peuvent eux-mêmes contenir des produits radioactifs", précise Daniel Fauvre.
Les textes concernant le rejet de ces effluents dans l’environnement ont été révisés en 1995. Depuis cette date, le taux de ce type de rejet que les centrales peuvent légalement déverser dans le milieu naturel est moins élevé qu’auparavant. L’autorisation les concernant est délivrée non plus par la préfecture, mais par les services spécialisés des ministères de l’Industrie, de l’Environnement et de la Santé. Devenu "interministériel", ce triple visa allonge la durée nécessaire à la délivrance de ces autorisations.
"Nul ne sait combien dans combien de temps cette autorisation arrivera, mais il faudra sans doute attendre plusieurs mois", note Stéphane Lhomme. A moins que l’issue du procès, qui se tiendra le 1er septembre 2003 devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, n’entraîne une accélération de la procédure. "Ce sera toujours ça de gagné, à défaut de suspendre l’activité de la centrale qui, avec ou sans autorisation, continuera de toute façon à polluer l’environnement", conclue, amer, le président de Tchernoblaye.