Un rapport mondial accablant sur le non respect des libertés individuelles sur l’internet
Le rapport "Silenced" ("Réduit au silence" en vf) établit un sombre bilan mondial de la censure et du contrôle de l’internet. "Silenced" a été publié cette semaine par deux ONG britanniques, Privacy International et GreenNet Educational Trust, avec l’aide d’une cinquantaine d’experts et le soutien financier de la fondation Soros.
Dès l’introduction, les auteurs affichent la couleur. "Depuis le 11 septembre 2001, peu de gouvernements ont résisté à l’opportunité de prendre des mesures réduisant les droits civils. Internet est perçu par beaucoup de ces gouvernements comme une menace potentielle pour la sécurité et l’autorité", écrivent-ils.
Le rapport prédit "qu’au cours de la première décennie du 21ème siècle, les groupes privés vont rivaliser avec les gouvernements en matière de menace des libertés sur Internet". La situation en matière de censure, filtrage, surveillance et autres formes de contrôle du réseau dans près d’une cinquantaine de pays est passée au crible.
Un contrôle "rarement vu en temps de paix"
Pour ce qui est du contrôle gouvernemental, "Silenced" souligne le rôle indirect de la chute du World Trade Center dans les atteintes aux libertés individuelles : "Les événements du 11 septembre ont fourni un tremplin pour des mesures qui, en d’autres temps, auraient été abandonnées parce que jugées impraticables ( ?) La liberté d’information, la vie privée, l’expression libre et la sécurité des communications vont probablement plier sous la pression d’un zèle en matière de contrôle que l’on a rarement vu en temps de paix".
Le cas américain est clairement montré du doigt. "Les attaques du 11 septembre ont conduit à accorder des pouvoirs sans précédent au gouvernement en matière de surveillance du territoire". Des pouvoirs stigmatisés par l’adoption, dès octobre 2001, du "Patriot Act", autorisant l’utilisation de "Carnivore", un système généralisé de surveillance du trafic internet. Ou par la création, quelques mois plus tard, du "Department of Homeland Security", une "super-agence (de renseignements) regroupant 160.000 employés". Le rapport "Silenced" dénonce encore les mesures légales autorisant les fournisseurs d’accès à l’internet (FAI) "à fournir aux responsables gouvernementaux un accès aux communications de leurs utilisateurs".
En France, le projet de Loi sur l’économie numérique (LEN) redéfinit les obligations légales des fournisseurs de solutions de chiffrement ainsi que les niveaux de responsabilité des FAI en matière de contenu illicite. Pour les auteurs de "Silenced", la LEN est symptomatique d’un "processus législatif récent (qui) met en péril les droits" constitutionnels et légaux. La future LEN "introduit la possibilité d’ordonner à des ISP de bloquer l’accès à des sites Web étrangers. Cette mesure sans précédent pourrait saper la liberté de mouvement et d’accès à Internet".
Les auteurs jugent que le respect de la vie privée et des droits individuels avait déjà été ébranlé en France par la Loi sur la sécurité quotidienne de novembre 2001, puis par la Loi sur la sécurité intérieure de février 2003. "Les attaques du 11 septembre ont été utilisées comme une justification pour introduire de nouvelles mesures", concluent-ils.
Censeurs de gloire
Le rapport épingle enfin les ’traditionnels’ champions de la censure, comme la Birmanie ou la Chine. Cette dernière, qui abrite la deuxième plus grosse population d’utilisateurs d’Internet au monde (59 millions d’internautes en janvier 2003, selon Pékin), aurait mis en place "un système de filtrage global" de tous les contenus transitant sur le réseau. Un système qui, selon certaines estimations "nécessite 30.000 personnes pour opérer" et interdit l’accès à plusieurs dizaines de milliers de sites jugés illicites par le gouvernement chinois. Cette catégorie englobe à la fois des "contenus sexuellement explicites" et des sites traitant "de la démocratie, de Taiwan, du Tibet ou (du mouvement spirituel) Falung Gong".
Ce panorama mondial de la censure et de la surveillance souligne la tendance de nombreux gouvernements à contrôler de plus en plus le réseau. Ce choix politique est-il uniquement motivé par la lutte contre le terrorisme ? Les auteurs de "Silenced" en doutent.
Le site de Privacy International:
http://www.privacyinternational.org/
Le site de GreenNet Educational Trust:
http://www.greenneteducationaltrust...
Le site de la fondation Soros:
http://soros.org/
’Silenced’ (introduction et sommaire):
http://www.privacyinternational.org...
’Silenced’ (rapport complet, pdf de 2 Mo):
http://www.privacyinternational.org...