Pour la première fois, un tribunal allemand sanctionne les activités d‘un site légalement installé à l’étranger, propageant des idées négationnistes et des propos incitant à la haine raciale.
"Visite du Dr. Fredrik Töben au crématorium II d’Auschwitz-Birkenau. Pas de trous - Pas d’holocauste" annonce la page d’accueil du site de l’Adelaide Institute, un institut australien qui fédère tous ce que l’Australie compte de négationnistes de l’Holocauste et des chambres à gaz nazies. Suit alors une explication nauséabonde tendant à prouver que les chambres à gaz n’ont jamais existé. Tout le reste est à l’avenant. Ce site est évidemment accessible à partir de l’Allemagne. Et c’est précisément cet élément qui a propulsé le nom de M. Fredrik Töben à la une des journaux allemands de cette semaine. Mardi 12 décembre, il a en effet été condamné en appel pour diffusion sur Internet de propos incitant à la haine raciale.
Dix mois de prison ferme
Ce citoyen australien d’origine allemande est depuis longtemps actif dans les cercles négationnistes. En 1998, il avait réuni le gratin du révisionnisme international autour d’une rencontre sur le "Mensonge d’Auschwitz". En 1999, lors d’une "tournée européenne" incluant la visite de quelques camps de concentration, il avait entrepris de prouver que la solution finale n’avait pas existé. Arrêté par la police alors qu’il se trouvait en Allemagne, il a été condamné à dix mois de prison ferme par le tribunal de Manheim pour diffamation, incitation à la haine raciale et négation de l’existence des chambres à gaz. Le tribunal ne l’a pas condamné en raison de ses activités sur le Net mais à cause des nombreux courriers et lettres d’informations envoyées en Allemagne par la poste. Mais le procureur général de Manheim a cependant fait appel du jugement en demandant à la cour fédérale de justice (BGH) de condamner aussi M. Töben pour ses activités sur le Web. La question qui se posait alors à la cour étant la suivante : est-il possible de condamner quelqu’un selon le droit allemand pour un fait commis légalement dans un autre pays ? Jusqu’à présent, les tribunaux allemands avaient toujours fait jouer le principe de la territorialité et s’étaient déclarés incompétents pour juger les responsables des nombreux sites Internet diffusant des contenus d’extrême droite à partir des ...tats-Unis ou d’un pays tiers.
Activités illégales à l’étranger téléguidées depuis l’Allemagne
En condamnant également M. Töben pour ses activités Internet, la cour fédérale de justice a donc créé un précédent important. Les juges ont en effet estimé que si le site était légal et basé en Australie, il était accessible depuis l’Allemagne et permettait la diffusion de thèses jugées délictueuses en Allemagne. M. Töben, qui a déjà accompli sa peine et quitté l’Allemagne, ne fera probablement pas appel. Parallèlement, les juges de Karlsruhe ont précisé que ce jugement ne concernait pas les fournisseurs d’accès ni les portails Internet qui ne peuvent pas forcément contrôler les centaines de milliers de pages qu’ils diffusent. Comprendre : le tribunal n’entend pas se prononcer sur le cas de Yahoo ! qui avait permis via son site l’accès à des vente d’objets nazis.
Essentielle sur le plan symbolique, la portée pratique de ce jugement est limitée à court terme. Les sites d’extrême droite légalement installés aux ...tats-Unis ou au Danemark, entre autres, ne vont pas fermer boutique du jour au lendemain. Néanmoins, les experts estiment que ce jugement va permettre de renforcer la lutte contre les activités illégales sur Internet à l’étranger quand elles sont téléguidées depuis l’Allemagne. Enfin, cette décision pourrait donner une impulsion aux investigations menées à l’étranger par le BKA, la police fédérale allemande, et notamment à la coopération déjà amorcée avec le FBI, son homologue américain.
Pour lire le jugement de la Cour fédérale de justice (en allemand):
http://www.uni-karlsruhe.de/~bgh/Pr...
L’Adelaide Institute:
http://www.adelaideinstitute.org/