"C’est peut-être la plus grande perte de toute l’histoire de l’industrie", écrit le New York Times. Les résultats de l’entreprise américaine JDS Uniphase ont pris tout le monde de court. Le doublement du chiffre d’affaires, à 3,2 milliards de dollars (23,9 milliards de francs), s’accompagne de pertes de 50,6 milliards de dollars (377 milliards de francs), multipliées par 56 d’une année sur l’autre ! En réalité, l’entreprise spécialisée dans les composants optiques pour les télécommunications a réalisé, pour cette année comptable, une perte de "seulement" 5,9 milliards de dollars. Mais elle a dû y ajouter une provision ("dépréciation des survaleurs") de 44,7 milliards de dollars. Cette manipulation vise à prendre en compte la flopée d’acquisitions réalisées par JDS, le plus souvent payées en action, lesquelles ont aujourd’hui perdu une grande partie de leur valeur.

16 000 salariés "réalignés"

Ces chiffres spectaculaires sont à l’image de l’année écoulée. À la mi-2001, JDS était la coqueluche de Wall Street et tous les analystes financiers recommandaient d’investir sur la valeur. Au plan industriel, le jeune fabricant de composants optiques parvenait tout juste - en dépit de multiples rachats de petites sociétés - à honorer les énormes commandes des géants des télécommunications, Nortel, Cisco, Alcatel, Marconi... Ceux-là même dont les plans de licenciements "jamais vus" font, un an plus tard, la Une des journaux. "Notre année fiscale a démarré par une période de forte croissance mais s’est conclue par un violent retournement industriel", commente Jozef Straus, le président de JDS Uniphase, dans un communiqué. L’entreprise ne réalisera probablement pas les objectifs fixés pour la fin de l’année 2001. "Mais, poursuit Jozef Straus, les décisions volontaires de notre programme de "réalignement global" nous permettront de revoir notre structure de coûts et de diminuer nos dépenses". L’expression "réalignement global" pourrait - dans le cas présent - être traduite par "licenciements massifs". Un plan initial prévoyait 7000 suppressions de postes. Il y en aura, en fait, 16 000 cette année. Conséquence, les effectifs de JDS tomberont de 28 000 à 12 000 avant la fin 2001. La bulle Internet n’était pas seulement financière.