Après le séquençage du génome humain, la découverte de la structure des protéines devient LE méga projet de la recherche biologique.
La découverte de la structure des protéines permettra de mieux connaître le fonctionnement de certains gènes.© San Diego Supercomputer Center |
Le nouvel eldorado des biologistes s’appelle... la protéine ! Découvrir la structure de (presque) toutes les protéines qu’on trouve dans la nature constitue en effet, après le séquençage du génome humain, le prochain pari d’envergure de la discipline. Il consiste en fait à étudier en détail des dizaines de milliers de molécules - les observer toutes serait impossible - afin d’identifier des similitudes et de les classer par familles. Ce projet demeurerait sans issue s’il ne rassemblait un grand nombre de chercheurs, et d’énormes moyens informatiques.
La recherche haut débit
Car en matière de biotechnologie, les approches scientifiques classiques ont fait long feu. Depuis le séquençage du génome humain, bon nombre de chercheurs ont modifié leurs méthodes de travail. L’heure est à la recherche haut débit. "Au lieu d’étudier quelques systèmes chez l’homme ou l’animal, on étudie un système complet, au niveau de sa structure et de ses fonctions, explique Christian Cambillau, directeur du laboratoire architecture et fonction des macromolécules biologiques du CNRS. Là où l’approche classique consistait à observer le fonctionnement de quelques gènes chez la souris par exemple, la recherche à haut débit propose d’établir la carte de tous ses gènes." Basée sur la collaboration de chercheurs autour d’un projet commun, cette méthode favorise le travail en équipe et facilite l’obtention de budgets.
Même avec l’appui de l’informatique, la découverte systématique de la structure des protéines (composition moléculaire et structure spatiale) s’avère un domaine extrêmement vaste. Un grand nombre de chercheurs du monde entier y travaillent. Le but de ces recherches est double. Il s’agit d’une part d’établir un répertoire complet des structures des protéines, classées par famille. Et, d’autre part, de trouver des indications sur la fonction des gènes en comparant similitudes entre gènes (que l’on connaît grâce au séquençage) et similitudes entre protéines créées par ces gènes. Ces deux avancées auraient des répercussions dans le domaine thérapeutique : elles permettraient de mettre au point de nouveaux antibiotiques et de mieux connaître la cause de certaines maladies.
L’Europe à la traîne
Si l’étude du séquençage du génome humain est essentiellement financé par deux grands groupes (l’un public, HGP pour Human Genome Program, et l’autre privé, mené par Celera Genomics), la découverte de la structure des protéines reçoit des financements de multiples organismes. "Hélas, l’Europe est à la traîne", précise Christian Cambillau. Si on excepte l’Angleterre et l’Allemagne, les subventions de ce méga projet proviennent en effet principalement des ...tats-unis. Le gouvernement américain, par l’intermédiaire du NIGMS (National Institute of General Medical Sciences), a annoncé, le 26 septembre dernier, le déblocage de 150 millions de dollars (soit 1,12 milliard de francs) dans les cinq prochaines années pour financer des équipes qui travaillent sur le sujet. Une somme qui n’a rien à voir avec les quelques millions de francs alloués pour l’instant par l’Europe aux chercheurs qui œuvrent dans le même domaine.
En ce qui concerne la mise en commun des informations, plusieurs projets ont vu le jour. Par exemple, le Consortium TB Structural Genomics regroupe 60 laboratoires rattachés à 30 institutions de 9 pays différents, dont la France. Tous ces laboratoires (dont celui de Christian Cambillau) étudient le microbe responsable de la tuberculose. Leurs recherches sur la structure des protéines ne représentent que 3,3 % de la totalité des informations à découvrir. Mais leur intérêt est fondamental pour espérer découvrir un nouvel antibiotique.