L’association francophone des utilisateurs de Linux (Aful) a déposé un brevet sur l’utilisation de l’informatique dans le passage aux 35 heures. Une gentille provocation pour attirer l’attention sur les dangers des brevets de logiciels.
Stéphane Fermigier de l'AFULEdgar Pansu |
Ça ressemble à une blague et c’est pourtant tout à fait sérieux : l’Association francophone des utilisateurs de Linux (Aful) vient de déposer auprès de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle) un brevet sur un "
système et procédé de réduction du temps de travail". Autrement dit, sur les différentes manières de mettre à profit les outils informatiques dans la réalisation du passage aux 35 heures. Pour l’Aful, il s’agit une fois encore, d’attirer l’attention sur la remise en cause d’un principe jusque-là valable en droit européen : la non-brevetabilité des logiciels. Garanti par l’article 52 de la convention de Munich, un pacte rassemblant une vingtaine de pays européens, ce principe est menacé de tous côtés : par la pratique des organismes d’enregistrement de brevets (comme l’INPI) qui contournent le droit pour accorder une protection aux programmes informatiques ; par le processus en cours de révision de la convention de Munich, qui cherche à entériner cette pratique ; et par l’Europe des 15, la commission européenne préparant une directive pour mettre en place un brevet communautaire.
Frapper les esprits
Où
en est la brevetabilité des logiciels ?
|
- 22 au 27
novembre : révision de la convention de Munich à l’Office
Européen des Brevets (OEB). Les pays membres devront se prononcer
sur un texte qui propose, entre autres choses, l’abandon de la non brevetabilité
des logiciels. D’après l’AFUL, le bureau de l’OEB cherche à
faire passer cette mesure par le jeu des procédures malgré
l’opposition de principe d’...tats comme la France, l’Allemagne et
le Royaume-Uni.
- fin décembre : fin de la consultation publique engagée par
la commission européenne sur le statut des logiciels dans la future
directive sur les brevets. Les opposants aux brevets de logiciels soupçonnent
Bruxelles d’avoir retardé sa décision pour pouvoir s’aligner
sur la nouvelle convention de Munich.
|
Plusieurs associations d’informaticiens et des entreprises se sont élevées contre ce mouvement de réforme destiné à renforcer la propriété intellectuelle (lire le dossier de
Transfert sur
la Guerre des brevets). Principale critique : ceux-ci permettent à une seule entreprise de verrouiller des procédés basiques. Pour Stéphane Fermigier, l’initiative de l’association sur les 35 heures vise à "
frapper les esprits". "
En matière de brevets de logiciels, explique le président de l’Aful,
dans bien des cas, l’absurdité de la protection est limpide pour des informaticiens mais pas forcément pour le grand public." Ce sera désormais plus clair, même si le dépôt auprès de l’INPI reste provisoire. L’organisme devra donner son avis. S’il est négatif, "
cela renforcera la jurisprudence européenne contre la brevetabilité", précise l’Aful. Sinon, cela "
confirmera que le système européen s’est aligné sur les ...tats-Unis", où le logiciel est brevetable. L’Aful pourrait, dans ce cas bénéficier, d’un relatif pouvoir de nuisance. Elle indique que "
ce scénario [lui] offrirait une source de revenus pour financer le développement du libre et défendre les auteurs de logiciels libres attaqués en contrefaçon de brevet".