Ils portent plainte pour obliger l’administration à lutter contre les émissions de CO2
Trois Etats américains (le Maine, le Massachusetts et le Connecticut) ont porté plainte le 4 juin dernier contre l’Agence fédérale de protection de l’environnement (EPA) pour obliger l’administration Bush à mettre en place une politique de limitation de la production de dioxyde de carbone (CO2), le principal gaz à effet de serre.
Le but de la plainte : faire rentrer le CO2 dans la liste des polluants dont les émissions sont régulées par la loi américaine sur la qualité de l’air. Cette liste comprend pour l’instant le monoxyde de carbone, l’ozone et les oxydes d’azote et de soufre.
Le CO2 est principalement émis par la combustion de l’essence, du gaz naturel et du charbon. Ce gaz à effet de serre, dont la concentration dans l’atmosphère a augmenté de près de 30 % depuis le XIXe siècle, est considéré comme le principal responsable du réchauffement de l’atmosphère. Le CO2 doit donc être considéré comme un polluant, d’après les Etats qui portent plainte contre l’EPA.
"Dernier recours"
A l’origine de cette procédure judiciaire unique en son genre, le procureur général du Connecticut, Richard Blumenthal, déclare : "Cette plainte est notre dernier recours." Il explique : "Réduire les émissions de dioxyde de carbone est une tâche gigantesque (...) Le gouvernement semble plus occupé à l’esquiver qu’à trouver des solutions pratiques pour y faire face."
D’après Richard Blumenthal, les signes du changement climatique sont déjà perceptibles dans le Connecticut et dans toute la région de la Nouvelle-Angleterre. Il décrit la situation dans son Etat : "Nous voyons les effets du réchauffement : nos côtes reculent, il fait plus chaud et nous faisons face à une recrudescence des maladies transportées par les insectes."
La Maison Blanche encourage les initiatives d’industriels qui souhaitent réduire leur production de CO2. Mais l’administration Bush se refuse à mettre en place la moindre mesure coercitive. Elle s’est retirée des négociations sur le protocole international de réduction des gaz à effet de serre, élaboré à Kyoto en 1997.
"Le gouvernement fait tout pour ignorer complètement la question du réchauffement climatique", affirme Frank O’Donnel, un responsable de l’association écologiste américaine Clean Air Trust.
Le réchauffement ou l’économie ?
Un porte-parole de l’EPA, David Deegan, minimise la portée de la plainte des trois Etats de Nouvelle-Angleterre : "Il n’y a pas de réponses claires quant aux effets du CO2 sur le climat." Une affirmation en complète contradiction avec les recherches du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), créé en 1988, dont tous les rapports fournis à l’ONU démontrent le rôle du dioxyde de carbone dans le réchauffement de l’atmosphère.
David Deegan doute que l’initiative du Maine, du Connecticut et du Massachusetts ait une chance d’aboutir. "Il semble improbable que le Congrès (majoritairement républicain, NDLR) puisse voter en faveur de quotas sur le CO2", dit-il.
Le refus du Parti républicain de faire face à la question du réchauffement rejoint les préoccupations de nombreux industriels américains. Pour ces derniers, une réduction des émissions de gaz à effet de serre pourrait déstabiliser l’économie américaine.
Le lobby de l’électricité, par la voix de l’Edison Electric Institute prévient par exemple qu’une politique de lutte contre le CO2 risquerait de faire grimper en flèche les coûts de l’énergie. Le secteur électrique américain, qui compte encore de très nombreuses usines fonctionnant au charbon, est responsable à lui seul de 34 % des émissions totales de dioxyde de carbone dans le pays.
Contradictions
En l’absence d’initiative fédérale sur le réchauffement climatique, plusieurs Etats développent leur propre politique. En 2002, la Californie a par exemple adopté une loi qui imposera une limite d’émissions de CO2 pour les automobiles d’ici à 2009.
La plainte déposée par les Etats de la région de la Nouvelle-Angleterre est le signe que le débat sur le réchauffement entre dans une phase critique aux Etats-Unis. Le pays, premier producteur mondial de CO2, est responsable d’un tiers des émissions totales.
Le 21 mai dernier, Christie Whitman a démissionné de la direction de l’EPA. Whitman, considérée comme une Républicaine modérée, s’était opposée à plusieurs reprises à la politique de la Maison Blanche, depuis la décision de George W. Bush de retirer les Etats-Unis des négociations sur le protocole de Kyoto.
Selon un sondage réalisé en février 2003 pour le compte de l’université de l’Oregon, 77 % des Américains sont favorables à une régulation des émissions de CO2.
Mais pas à n’importe quel prix : ils sont aussi nombreux (78 %) à refuser d’envisager une augmentation des taxes sur l’essence. L’essence américaine est pourtant l’une des moins taxées dans les pays industrialisés. Et les voitures circulant aux Etats-Unis sont les plus grosses consommatrices d’essence au monde, avec une moyenne de 9 litres pour cent kilomètres.
En 1993, Bill Clinton avait lancé un programme encourageant la construction de moteurs moins gourmands en essence. Le but était de ramener la consommation des voitures neuves à moins de 3 litres pour cent kilomètres avant 2005. Fin 2002, l’administration Bush a mis un terme à ce programme, sans qu’il ait pu ne serait-ce qu’approcher ses objectifs.
"Three states file EPA carbon dioxide lawsuit" (Associated Press):
->http://www.newsday.com/news/local/wire...
Le site de l’EPA:
http://www.epa.gov
Biographie de l’ex-directrice de l’EPA, Christie Whitman:
http://www.epa.gov/adminweb/about.htm
L’Unfcc, l’organisme onusien chargé de suivre les négociations autour du protocole de Kyoto:
http://unfccc.int
Le site du GIEC:
http://www.ipcc.ch
Le site de Clean Air Trust, association écologiste américaine:
http://www.cleanairtrust.org
Le site de l’Edison Electric Institute:
http://www.eei.org
Le sondage de l’université de l’Oregon sur le réchauffement climatique:
http://osrl.uoregon.edu/projects/gl...
"Bush investit dans le moteur à hydrogène" (Transfert)
http://www.transfert.net/a8494