Le groupe italien rachète Liberty Surf à ses deux principaux actionnaires, Kingfisher et Europatweb. Et compte devenir l’équivalent d’AOL en Europe. Mais les petits actionnaires se rebiffent.
Tiscali-
Liberty Surf : les mots pour le dire
par
Walter Bouvais
Le PDG de Liberty Surf : " Je reste ". Le directeur général de Tiscali : " Nous serons les premiers ". Verbatim de la conférence de presse organisée lundi 8 janvier à Paris pour annoncer la fusion.
Pierre Besnainou, PDG de Liberty Surf :
Sur la fusion avec Tiscali : " nous sommes emplis de fierté
"
" Encore une fois je suis très fier davoir participé
à la création de cette entreprise (Liberty Surf, ndlr) qui
aujourdhui va contribuer pleinement à la consolidation européenne
de cette entreprise (Tiscali, ndlr). Nous apportons 260 millions deuros
de cash, un endettement égal à zéro, une situation
extrêmement saine, une marque leader ".
" Cette opération nous emplit de fierté et nous pensons
que la pierre que nous allons apporter à la construction de ce nouvel
ensemble devrait être quelque chose de très important ".
Sur son rôle à la tête de Liberty Surf : " je reste,
sans ambiguïté "
" Naturellement et sans ambiguïté je reste dans lentreprise,
de façon évidente, jusquà ce que nous ayons pu
faire avec James Kinsella et Renato Soru le bilan de laprès-fusion.
Il ny a pas dambiguïté sur ce point ".
Le bilan de Liberty Surf : autosatisfaction
" Je profite de la question qui mest posée pour faire
un bilan de lentreprise Liberty Surf : en 18 mois, cette société
que jai eu la chance de conduire principalement grâce à
Bernard Arnault et Kingfisher est devenue un grand succès industriel.
Nous sommes le numéro deux en France avec 10 millions de pages vues
par jour. Nous avons en France plus de 350 personnes qui réalisent
un des " chiffres daffaires par abonné actif " les
plus importants dEurope. Nous sommes, cest un fait, devenus
une grande marque en quelques mois ".
Leffondrement du cours de laction :
" Vous savez combien de titres Internet sont tombés plus que
Liberty Surf ? Liberty Surf a beaucoup chuté, mais moins que la moyenne
de la chute des titres Internet aujourdhui en France. Lappréciation
du marché boursier cest lappréciation du marché
boursier. Je nai pas la capacité daller plus loin ".
- James Kinsella, directeur général de Tiscali :
Stratégie : Tiscali vise la place de numéro 1 en Europe
" Nous visons la place de numéro un européen dans
le domaine de lInternet et de la communication et nous ferons ce quil
faut pour cela. Cela passe en particulier par des acquisitions ".
" Nous voulons être un acteur paneuropéen et indépendant,
qui ne soit pas concerné par les problèmes quon voit
dans les grandes entreprises traditionnelles ". |
Renato Soru s’est multiplié, ce lundi 8 janvier 2001. En fin de matinée, le PDG fondateur de Tiscali a annoncé à Paris, aux côtés de Pierre Besnainou, PDG de Liberty Surf, le rachat du fournisseur d’accès à Internet (FAI) français à ses deux principaux actionnaires, le groupe de distribution britannique Kingfisher et Europatweb, le holding du Groupe Arnault. Il a ensuite filé dare-dare à Milan, pour annoncer la nouvelle aux analystes italiens.
L’opération se fera sous forme d’échange d’actions, accompagné d’un versement en cash. En paiement des 72,94 % du capital qu’elles détenaient à parité, Kingfisher et Europatweb recevront 0,365 actions Tiscali, plus 2,13 euros par action Liberty Surf, soit 71 millions d’euros chacun ( 468 millions de francs). La même offre sera faite à l’ensemble des actionnaires de Liberty Surf. À l’issue de l’opération, Europatweb et Kingfisher détiendront chacun 3,6 % du capital de Tiscali, aux côtés des principaux actionnaires, le fondateur, Renato Soru (31,6 %), la fondation Sandoz (17,8 %) et Reggeborgh (4 %).
Le prix payé pour le fournisseur d’accès cher à Bernard Arnault varie selon les sources : en se fondant sur la base du cours moyen de Tiscali sur les 20 derniers jours de cotation, le communiqué du groupe italien retient 900 millions d’euros (5,9 milliards de francs). En s’appuyant sur les cours des deux groupes vendredi dernier, l’agence Reuter retient, elle, une valorisation de...645,5 millions d’euros (plus de 4,2 milliards de francs).
Un Tchèque avec provisions
Quoiqu’il en soit, en croquant ainsi les 900 000 abonnés actifs du deuxième fournisseur d’accès français, derrière Wanadoo (filiale de France Telecom), l’opérateur italien poursuit sa course à la taille critique européenne. Et il reste au contact de ses principaux compétiteurs européens, qui tous trois bénéficient de l’appui d’opérateurs historiques sur le marché des télécoms : l’espagnol Terra-Lycos, l’allemand T-Online, et le français Wanadoo.
Grâce au récent rachat du hollandais WorldOnline, en décembre 2000, faisant suite à des acquisitions-éclairs en Suisse, en France, et alors que la reprise du fournisseur d’accès allemand AddCom est en cours, Tiscali revendique 4,9 millions d’abonnés actifs à la fin décembre et la deuxième place en Europe. Un bilan plus qu’honorable, pour une société créée en 1997 et qui a démarré dans la fourniture d’accès en République Tchèque ! Introduit au nouveau marché de Milan à l’automne 1999, le groupe, aujourd’hui présent dans quinze pays, vise désormais le leadership en Europe. Il table sur 9 millions d’utilisateurs à la fin 2001. Après avoir enregistré au premier semestre 2000 une perte nette de 36,31 millions d’euros (pour 68,6 millions d’euros de chiffre d’affaires), Tiscali espère atteindre le milliard d’euros de chiffre d’affaires à la fin de l’année. Son directeur général James Kinsella, prévoit un EBITDA (résultat avant impôts, amortissement et éléments financiers) positif dès cette année et un résultat net positif en 2002.
Petits actionnaires et salariés mécontents
En revanche, pour Liberty Surf, le bilan est plus mitigé. Depuis son introduction en Bourse à Paris, en mars dernier, à 41 euros par action, le titre n’a cessé de déraper, jusqu’à 7 euros vendredi dernier. Une explication à l’absence de Bernard Arnault à la conférence de presse du 8 janvier ?
160 petits actionnaires, qui s’estiment floués, ont d’ores et déjà annoncé qu’ils entendent porter plainte. Ils comptent aller se manifester à l’assemblée générale de Liberty Surf, jeudi 11 janvier. Lundi 8 janvier, le cours de Liberty Surf a clôturé en baisse de 8,57 % , à 6,4 euros. Tandis qu’à Milan, celui de Tiscali baissait de 1,71 %, à 13,39 euros.
Par ailleurs, et alors que l’acquisition de Freesbee continue de faire des vagues au sein du groupe présidé par Pierre Besnainou, certains salariés de Liberty Surf peuvent aussi se faire quelques soucis. "En France, environ 80 millions d’euros d’économies sont attendues en 2001", a chiffré Renato Soru. La marque elle-même, paraît en sursis : "Nous travaillerons à terme avec une seule marque ombrelle", a-t-il avoué.