Bitterlemons.org a vu le jour en novembre 2001, après le début de la deuxième intifada. Ce site est le fruit de la collaboration entre un ministre de l’Autorité palestinienne, Ghassan Khatib, et un spécialiste israélien en géostratégie, ancien des services secrets du Mossad, Yossi Alpher. Chaque semaine, il propose un regard croisé sur le conflit qui divise le Proche-Orient. Créé pour aider à une "compréhension mutuelle" entre Israéliens et Palestiniens, Bitterlemons vient de lancer un site frère, qui veut prolonger le travail de dialogue au niveau de la région du Proche-Orient.
Yossi Alpher et Ghassan Khatib sont, de longue date, impliqués dans les pourparlers de paix entre Israéliens et Palestiniens. Yossi Alpher, l’Israélien, aujourd’hui âgé de soixante ans, a jusqu’en 1981 oeuvré au sein des services secrets israéliens du Mossad. Expert reconnu en géostratégie, il travaille depuis plus de quinze ans à promouvoir le dialogue entre les deux peuples.
Ghassan Khatib, le Palestinien, a quant a lui fait carrière dans le milieu universitaire. Ancien directeur du Centre des médias et de communication de Jerusalem, il faisait partie de la délégation palestinienne à la Conférence de Madrid en 1991. Il est actuellement ministre du Travail au sein de l’Autorité palestinienne.
Juste citron
Tous deux se sont rencontrés voilà dix ans, au cours d’un cycle informel de négociations. "Nous avons commencé à évoquer le projet d’un site commun en septembre 2000, projet que nous n’avons pas abandonné avec l’Intifada", explique Yossi Alpher. Bitterlemons.org a finalement vu le jour à la fin novembre 2001, un peu plus d’un an après la visite du chef du Likoud, Ariel Sharon, sur l’Esplanade des mosquées à Jérusalem.
Le site, alimenté chaque semaine, fonctionne selon une règle simple. Deux colonnes, l’une consacrée au point de vue palestinien, l’autre au point de vue israélien. La plus stricte équité est observée entre les deux.
C’est Yossi Alpher qui a eu l’idée de baptiser ce site "bitter lemons" ("citrons amers"), alors qu’il était "assis sous un citronnier dans son jardin", se souvient-il. Un nom avant tout symbolique, puisqu’il fait référence à un ouvrage de Lawrence Durrell, publié en 1957, et consacré à la guerre entre communautés turque et grecque sur l’île de Chypre : Bitter Lemons of Cyprus. "Ghassan et moi trouvions que ce nom était facile à retenir, et qu’il correspondait à notre réalité", poursuit Yossi Alpher.
Né sur fond de deuxième Intifada, Bitterlemons s’est dès l’origine donné pour mission de "nourrir un dialogue civilisé sur les questions qui nous divisent", détaille Yossi Alpher : "Nous voulions associer les principes d’un dialogue informel avec la technologie internet".
Valeurs technologiques
Les créateurs du site ne sont pas les seuls à défendre les nouvelles technologies et les réseaux comme vecteurs de pacification. Dans un entretien accordé cet été au magazine technologique américain CNet.com, l’ancien Premier ministre israélien et Prix Nobel de la paix, Shimon Pérès, fait aussi montre d’un grand optimisme : "Les nouvelles technologies représentent un ensemble de valeurs, comme la transparence, le fair-play, l’honnêteté et la recherche de la vérité (...) Economie et politique vont de pair. Les gens n’ont pas eu tort de mettre en avant l’importance des infrastructures de haute technologie et des projets conjoints au Proche-Orient."
Yossi Alpher et Ghassan Khatib croient dur comme fer en l’utilité de leur initiative, malgré un contexte régional des plus sombres : construction d’un "mur" - ou "clôture" - entre Israël et Palestine, cycle sans fin entre attentats et répression, démission du Premier ministre palestinien et incertitudes autour de la poursuite de la "feuille de route" du processus de paix...
"Dans les circonstances actuelles, nous avons peu d’espoir d’aboutir à un consensus, reconnaît Yossi Alpher. Mais nous voulons au moins continuer à discuter. Si nous voulons un jour vivre en paix, nous devons nous écouter mutuellement. Sur la plupart des questions aujourd’hui, nous avons du mal à nous mettre d’accord. Néanmoins, une majorité accepte aujourd’hui des deux côtés l’idée de deux Etats dont les frontières suivraient plus ou moins celles de 1967, et c’est un bon point de départ."
L’"élite" se presse
En deux ans de travail, les créateurs de Bitterlemons disent avoir réussi à fidéliser un "noyau dur d’une dizaine de milliers d’abonnés". Yossi Alpher le reconnaît, il s’agit essentiellement d’"une élite familière de ces questions" : dirigeants du Proche-Orient, membre des familles royales des pays arabes, assistants des sénateurs et députés américains sur les questions du Proche-Orient, journalistes, spécialistes de la région travaillant au sein des ministères européens...
Signe du succès du site et de la valeur de son contenu, ses articles sont régulièrement repris de par le monde, notamment dans les colonnes du Daily Star de Beyrouth, une référence au Proche-Orient.
Depuis peu, Bitterlemons.org a même un petit frère, Bitterlemons-international.org. Son objectif ? "Développer le même principe de dialogue civilisé à l’échelle de la région toute entière, sur des problèmes plus larges concernant le Proche-Orient, avec un nombre beaucoup plus grand de collaborateurs", explique Yossi Alpher. Au menu cette semaine, une réflexion sur le rôle que pourraient jouer les femmes dans le retour à la paix, en Irak et ailleurs. La promotion de la démocratie et le refus de la discrimination passent aussi par là.