Pour contrer l’initiative Passport de Microsoft, qui vise à identifier les internautes, Sun s’allie avec 33 entreprises pour un projet concurrent.
L’Alliance de la Liberté. Sous ce nom ronflant se cache l’initiative annoncée, mercredi 26 septembre, par le PDG de Sun Microsystems, Scott McNealy. Cette "Liberty Alliance" consiste à regrouper 33 industriels afin de labelliser un ensemble de technologies permettant de reconnaître les internautes en ligne. Si Sun prépare depuis un an et demi déjà cette riposte à l’offensive Passport de Microsoft (déjà 165 millions de comptes enregistrés), l’alliance à plusieurs, elle, n’est en négociation que depuis deux mois.
Les partenaires de Sun incluent General Motors, Bank of America, i2 Technologies, Inuit, Liberate Technologies, Cisco, Apache Software Foundation, RealNetworks, eBay, Travelocity ; des spécialistes de la certification et du cryptage comme Entrust, Verisign, RSA Securité, ou les fabricants de cartes à puce Gemplus et Activcard ; des industriels des télécoms, Nokia, Cingular Wireless, NTT DoCoMo, Global Crossing, Vodafone, Bell Canada, Sprint, Openwave. Cette liste est encore ouverte, explique-t-on chez Sun.
Contrer le Passport de Microsoft
Ce système de "passeport" pour le cyberespace, d’après le nom judicieux choisi par Microsoft pour le sien propre, collecte les données personnelles que l’utilisateur accepte de livrer. À chaque fois que l’individu veut utiliser une application ou pénétrer sur un site qui requiert de s’identifier, il lui suffit d’un clic pour que ledit passeport communique automatiquement les données nécessaires. À terme, il permettra de s’identifier sur tous types de terminaux reliés à Internet, agendas électroniques et téléphones mobiles. C’est donc un moyen de s’épargner l’effort de saisie. C’est aussi un dispositif qui amoindrit la vigilance à l’égard des violations de la vie privée, fréquentes sur Internet. Sans compter qu’on confie toutes ses données, auxquelles viendront sans doute s’ajouter les données de connexion et de surf, à une entreprise aux visées hégémoniques.
L’approche de Sun semble a priori plus sympathique, puisqu’elle est ouverte à toutes les entreprises qui voudront y participer, y compris Microsoft. Le géant de Redmond a d’ailleurs fait savoir qu’il n’avait pas été contacté par l’Alliance, contrairement aux allégations de Sun. C’est un épisode supplémentaire dans la très vieille rivalité entre Sun et Microsoft : l’un monopolise les systèmes d’exploitation sur les ordinateurs ; l’autre propose de mettre les applications sur Internet et de les faire tourner sur des terminaux de réseau... Mais la proposition de Scott McNealy n’est pas beaucoup plus rassurante que celle de Bill Gates. Primo, qui va conserver les données ? Trente-trois entreprises en réseau ? Secundo, c’est la fin d’une certaine liberté de mouvement sur Internet.
Privatisation de la preuve d’identité
En effet, l’objectif des technologies d’identification et de certification est de faciliter le commerce. Mais surtout du point de vue du marchand. Il cherche à éviter la fraude et à vérifier la solvabilité des clients. Ce faisant, le commerce crée de nouvelles barrières dans le cyberespace : de petits enclos autour des sites sécurisés (depuis longtemps), mais aussi des passeports pour permettre aux internautes de circuler, avec un système de douanes, une police et des mouchards aux aguets. C’est probablement une évolution irrésistible : la marchandisation du Web l’exige. Mais enfin, pourquoi laisser la responsabilité de la preuve d’identité (le passeport) aux entreprises ?