Laboratoire privé de recherches hors-normes - voyage dans le temps, cerveau artificiel - le Starlab bruxellois déménage dans un château, essaime à Barcelone et cite Madonna comme business model. Visite guidée.
 P-E. Rastoin |
Bienvenue dans un monde meilleur. Jeudi 14 décembre 2000, le Starlab accueille journalistes et représentants d’entreprises partenaires dans ses nouveaux locaux bruxellois : une vaste demeure de 6 000 mètres carrés au milieu d’un parc où des chercheurs de multiples nationalités exerceront désormais leurs talents, parfois bien étranges. Dans ce centre de recherche privé, Hugo de Garis étudie un cerveau artificiel qu’il compte implanter d’ici 2 ou 3 ans dans un robot animal, Serguei Krasnikov s’interroge sur les obstacles au voyage dans le temps, Dick Bierman sur les manifestations quantiques de la pensée... Le Starlab, c’est un château de Moulinsart dans lequel une cinquantaine de professeurs Tournesol auraient trouvé refuge.
120 000 dollars le ticket d’entrée
S’adressant aux nombreux sponsors présents - Adidas, Levi Strauss Europe, Samsonite, Energizer, AT&T, Seiko Epson, Philips, France Télécom, Orange, Courrèges, Siemens notamment - Walter De Brouwer, PDG et fondateur du Starlab en 1997, manie sourire aux lèvres l’art du contre-pied : "Nous faisons de la recherche à long terme et nous ne nous engageons pas à fournir des résultats aux sponsors. On ne peut pas continuer à voir à court terme comme le font les dotcoms. Mais comme nous recrutons des chercheurs de talent, nous trouverons forcément quelque chose en cours de route, c’est statistique." Si cela arrive, alors les sponsors du consortium de recherche concerné pourront voter (à l’unanimité) la création d’une spin-off, une filiale dont les sponsors deviendront automatiquement actionnaires. Pour l’heure, les sponsors partagent la propriété intellectuelle des recherches et peuvent puiser au Starlab des idées pour leur société. Le ticket d’entrée coûte entre 120 000 et 500 000 dollars par an sur cinq ans. Le premier consortium s’intéresse aux vêtements intelligents, le second, bientôt sur pied, est consacré au futur des médias. Le troisième explorera les pistes des usines nanoscopiques (à l’échelle de l’atome).
Etape suivante : une clinique privée
 P-E. Rastoin |
Walter De Brouwer prône l’interdisciplinarité : chaque chercheur doit passer 70 % de son temps sur son propre travail, et offrir le reste aux autres chercheurs. D’où le mot d’ordre : BANG (Bits, Atomes, Neurones, Gènes). La recette semble fonctionner : le Starlab ouvrira une antenne à Barcelone au début de l’année 2001, et Walter De Brouwer envisage même la création d’une clinique privée quelque part en Europe (on n’en saura pas plus). Le secret de Walter de Brouwer ? "
Madonna comme business model : depuis 20 ans, on dit qu’elle est finie, et elle nous étonne à chaque fois !"
La présentation tourne au show. Après quelques séquences vidéos très pros (effets spéciaux de téléportation ou d’auto-assemblage de bâtiments) dans lesquelles apparaissent chercheurs et sponsors, un duplex est organisé entre la salle de conférence et les bureaux des chercheurs à l’étage, animé par un seyant présentateur très en verve. Il s’agit en fait du "philosophe" du Starlab.
Frime ou recherche ?
Rapide brunch et visite dans les bureaux à la rencontre des scientifiques. Les thèmes de recherche ne sont jamais tout à fait classiques, et ils frisent même, parfois, le pur délire. Mais personne n’a l’air de s’en plaindre. Les visiteurs, habitués aux labos tristes des universités, semblent apprécier le spectacle, renforcé par la performance artistique en sous-sol du groupe FOAM (Foundation of affordable mysticism). Les organisateurs, eux, revendiquent cette part de mystère : "Vous avez vu le professeur Untel ? Non ? Vous devriez, il est vraiment fou..." On demande à André Weill, responsable de recherches " objets intelligents " chez France Télécom, ce que vient faire un opérateur ici : "C’est vrai, admet-il, la présence des constructeurs est plus compréhensible. Ma réponse serait qu’un autre opérateur, AT&T, nous a rejoint. Il doit donc y avoir une raison..." Connaît-il les chercheurs recrutés au Starlab ? "Non, je ne les connais pas vraiment. C’est vrai qu’ici, c’est difficile de faire la part des choses entre frime et recherche. Mais c’est sans doute parce qu’on n’est pas habitué à ce genre d’endroit." Ça doit être ça...