Les autorités allemandes réagissent à la résurgence des idées nazies et à leur propagation sur Internet. Un sergent soupçonné d’être l’auteur d’un site à la gloire d’Hitler, a été puni par sa hiérarchie. Des logiciels de filtrage et des "listes noires" de sites néonazis devraient être mis en place.
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Un sergent allemand de 28 ans serait-il l’auteur du site heil-hitler.de , le site Internet nazi dont la découverte a stupéfié l’Allemagne ? C’est, selon l’agence France Presse, le soupçon de la Bundeswehr, l’armée allemande : elle a suspendu l’homme de ses fonctions et l’a privé d’uniforme jusqu’à la fin de l’enquête diligentée à son sujet à Schwerin, une ville de l’ex-Allemagne de l’Est.
Depuis trois semaines, une levée de boucliers sans précédent mobilisait le pays contre l’extrême droite. Après des années de semi-torpeur, le monde politique allemand se ressaisit donc du dossier et promet d’éradiquer la "peste brune" jusque sur Internet.
"Il faut se battre contre le développement des pages Web de la haine", déclarait récemment Cornélia Sonntag-Wolgast, secrétaire d’...tat au ministère de l’Intérieur. De son côté, Herta Daübler-Gmelin, la ministre de la Justice, a préconisé la mise au point de logiciels de filtrage et l’établissement d’une "liste noire" des sites diffusant de la propagande raciste et néo-nazie, afin de protéger la jeunesse et les écoles.
Un mode de communication entre les groupuscules d’extrême droite
L’origine de cette mobilisation date principalement du rapport établi en 1999 par l’Office fédéral de protection de la Constitution (Renseignements intérieurs allemands). On y relève que le nombre de sites marqués du sceau de l’extrême droite est passé de 200 en 1998 à 330 en 1999. Aujourd’hui, on en dénombrerait entre 400 et 500. Les enquêteurs fédéraux concluent logiquement que "l’Internet est de plus en plus utilisé comme moyen de communication entre les différentes tendances et groupuscules d’extrême droite".
L’interdiction du site heil-hitler.de, prononcée cette semaine, jette un nouvel éclairage sur les difficultés de la lutte contre l’extrême -droite sur le web. Il y a une semaine, un utilisateur anonyme inscrit ce nouveau site chez Strato AG, une grosse société berlinoise d’hébergement. Strato AG soumet automatiquement ce site à l’enregistrement de la Denic, la société publique qui gère la propriété des noms de sites Internet en Allemagne. Là aussi, l’enregistrement se fait automatiquement. Ce n’est que lorsqu’un utilisateur tiers signale l’existence de heil-hitler.de, un nom trop clairement connoté et donc interdit par la loi allemande, que Denic réagit en supprimant le site.
Seules trois personnes contrôlent les adresses douteuses
Pour expliquer ce dérapage, Sabine Dolderer, directrice de Denic, rappelle que ses employés enregistrent chaque jour de 10 000 à 15 000 nouveaux noms de sites : "Trente personnes exercent un contrôle technique et trois seulement vérifient vraiment le contenu des adresses douteuses." En raison du développement galopant de l’Internet, le projet d’établir des "listes noires" lui semble donc difficilement réalisable. "Si heil-hitler.de est clairement identifiable, que faire avec des noms tel que ’Konzentrationslager.de’ (camp de concentration) qui peuvent aussi bien abriter un site nazi qu’un site à vocation informative, dépourvu d’ambiguïté ?", remarque, de son côté, Stephan Wezel, le juriste de Denic. Enfin, le problème des contrôles est rendu plus complexe par la possibilité de piloter un site depuis l’étranger, à partir des Etats-Unis en particulier. La loi allemande interdit de faire mention d’un lien pouvant conduire vers des sites d’extrême droite. Mais dans les faits, cette interdiction n’empêche aucune personne, déterminée ou curieuse, de s’y connecter.
Lutter contre la haine, mais pas uniquement sur Internet
Si nul ne remet en question la nécessité d’agir contre la présence de l’extrême droite sur l’Internet, certains commentateurs essayent de replacer le débat à son juste niveau. Certes, l’extrême droite a augmenté ses capacités de communications avec le Net, mais parallèlement, sa presse traditionnelle et ses "Skinzines" ne se sont jamais aussi bien portés, fait remarquer le journal Blick nach recht (Regard à droite). Il souligne également que les 500 sites d’extrême droite ne représentent pas une proportion étonnante au regard des trois millions de pages-net enregistrées en Allemagne. Dans le quotidien Süddeutsche Zeitung, Harald Staun s’interroge, lui aussi, sur la frénésie médiatique développée par les politiques autour de l’Internet : "Au lieu de tout miser sur la lutte contre ’le développement de la haine sur Internet’, ne pourrait-on pas plus simplement se concentrer sur la lutte contre le développement de la haine ?"