Un centre de recherche de l’INRIA s’est doté, depuis décembre, d’un plan de travail virtuel. Un joujou de plus de deux millions de francs. ...poustouflant.
La scène se passe à une dizaine de kilomètres de la porte de Versailles, à Rocquencourt, une petite commune des Yvelines. Là, en bordure d’une nationale, une trentaine de bâtiments (à étage unique) hébergent les bureaux des équipes de chercheurs de l’INRIA (Institut national de recherche en informatique et en automatique). Un décor plus proche de l’image d’une caserne que celle d’un haut lieu des nouvelles technos. Et pourtant... Depuis trois mois, à Rocquencourt, un seul bâtiment concentre l’attention des pensionnaires : celui où se trouve "le plan de travail virtuel", directement importé d’Allemagne. Le tout premier de ce type en France. Dans une salle, deux écrans perpendiculaires de 1,10 m et de 1, 80 m vous accueillent. Au fond de la pièce, une "grosse armoire" complète le dispositif : un supercalculateur de SGI (ex Silicon Graphics). La démonstration peut commencer : équipé de lunettes à cristaux liquides et muni d’un stylo, la première immersion dans l’univers virtuel déstabilise quelque peu. Devant soi, projetée sur la table verticale, la coupe en 3D d’un habitacle de voiture. La table horizontale affiche, en inclinant la tête, un "menu", directement inspiré de barre des tâches des PC ! Histoire de ne pas perdre la boule. Pour valider un choix, il suffit de pointer, sur l’icône, le faisceau lumière émis par le stylo. Puis de cliquer...
Un tracker sur les lunettes
© Pierre-Emmanuel Rastoin/ Transfert |
Cette application a été développée par le GMD, l’institut de recherche allemand qui a aussi conçu le plan de travail virtuel. Elle est actuellement utilisée par le constructeur automobile Daimler. Sur l’une des branches des lunettes est fixé un "tracker" : un minuscule boîtier électromagnétique, de la taille d’une touche de clavier, qui enregistre les moindres mouvements de tête et les communique au calculateur qui modifie l’image en temps réel. En clair : on peut "naviguer" dans l’image, celle-ci se réorientant en fonction des déplacements du manipulateur. La manipulation de l’objet dans cet univers totalement virtuel est stupéfiante. Au bout des doigts, via les mouvements de sa "main stylo", l’habitacle évolue dans l’espace : on le tourne dans tous les sens selon ses besoins. Le plus impressionnant ? Rapprocher lentement le modèle de son visage, jusqu’à avoir l’étrange sensation d’entrer littéralement dans l’objet, et de pouvoir l’examiner dans les moindres détails ! Parmi les autres options du menu : un outil destiné à visualiser les flux d’air (et leur intensité) circulant dans l’habitacle. On peut déplacer la source d’émission des flux d’air et régler l’intensité par un simple déplacement du manipulateur. D’un simple clic, on envoie des particules (symbolisées par des avions) qui simulent la trajectoire et la vitesse des flux d’air.
Interaction intuitive
© Pierre-Emmanuel Rastoin/ Transfert |
La deuxième application en démonstration a cette fois été développée par un chercheur de l’INRIA : l’environnement virtuel présente un plan horizontal en perspective et une grosse boule bleue. La manipulation consiste à s’emparer de la boule avec sa main, de la faire passer en dessous du plan, puis de remonter lentement en dessinant, par exemple, un point d’interrogation. Une fois la figure en 3D constituée, des outils permettent une interaction très intuitive avec l’environnement virtuel. Notamment une loupe, qui permet d’agrandir (en levant le bras) et de diminuer (en le baissant) l’objet virtuel à l’envi.
Les projets ne manquent pas pour un tel outil. Le plan de travail virtuel devrait être relié, via une liaison de 2,5 giga-bits, à d’autres plates-formes de réalité virtuelle à l’INRIA (Rennes et Grenoble). Une interconnexion qui permettra de faire travailler ensemble, sur une même maquette numérique, des utilisateurs distants. C’est encore Air France qui va râler...