Selon la justice californienne, un nom de domaine n’est pas vraiment une propriété. Donc, Stephen Cohen, qui a subtilisé sex.com à son ancien propriétaire, n’est pas vraiment un voleur.
Les noms de domaines ne sont pas une propriété aux yeux de la loi. Ils ne peuvent donc être volés. Tel est le surprenant argument grâce auquel le juge californien James Ware conclut - provisoirement - la longue guerre judiciaire pour la détention de l’adresse Internet sex.com. Cette querelle oppose depuis plus de quatre ans Stephen Cohen (le voleur) à Gary Kremen (le volé).
Un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars
Le juge Ware a estimé lundi 21 août que si un acte illégal a été commis par Stephen Cohen en octobre 1995, il ne pouvait être qualifié de vol. Á l’époque, un associé de Gary Kremen aurait demandé par courrier à Network Solutions (NSI), une société américaine qui gère les adresses Internet, de transférer la propriété de sex.com de Gary Kremen à Stephen Cohen. Kremen soutient depuis que l’associé en question n’a jamais existé et que la lettre était un faux. Cohen exploite toujours l’adresse aujourd’hui. L’an dernier, il revendiquait un chiffre d’affaires de 3 milliards de dollars ! " Il n’existe tout simplement aucune preuve permettant d’affirmer qu’un nom de domaine en général, et sex.com en particulier, réponde à la définition d’une propriété au sens où l’entend la loi ", peut-on lire dans les attendus du jugement rendu par James Ware. Le magistrat ne fait que reprendre les termes de son verdict de mai dernier, dans l’affaire qui opposait Gary Kremen à NSI. Il avait alors suivi l’argument des avocats de NSI, selon lesquels une adresse Internet n’est que la désignation d’un service, exactement comme un numéro de service téléphonique commercial.
Un personnage haut en couleurs
L’histoire n’est pas terminée pour autant, puisque Kremen s’apprête à déposer une plainte contre Cohen pour concurrence déloyale. Stephen Cohen est ce qu’il est convenu d’appeler un personnage haut en couleurs. Avant de s’approprier sex.com, il a purgé quatre ans de prison pour avoir escroqué des vieilles dames en se faisant passer pour un avocat. Ses affaires ont aujourd’hui une tout autre envergure. Le magazine californien Wired a raconté comment en juin 1999, Cohen a offert 3,6 milliards de dollars via une société écran installée aux îles Vierges britanniques pour racheter huit casinos d’une chaîne hôtelière américaine, parmi lesquels figurait le célèbre Ceasars Palace de Las Vegas. C’est dire si l’exploitation de sex.com (qui compte, selon Cohen, plus de 9 millions d’abonnés à 25 dollars par mois) est rentable.