Consultant en nouvelles technos, Andreas Pfeiffer a conseillé plusieurs créateurs de titres de presse informatique en France. Il reste sceptique face à la fin du contenu gratuit sur Internet. Interview.
Pensez-vous qu’il soit possible de passer d’un modèle gratuit à un modèle d’abonnement sur Internet ?
Je pense que certaines entreprises vont réussir à évoluer vers un modèle d’abonnement, mais pas celles qui vivent de bannières publicitaires aujourd’hui. Il restera toujours des concurrents ayant peur de passer au payant les premiers. Les entreprises qui fournissent des informations spécialisées font déjà payer. C’est surtout le cas des newsletters professionnelles.
Comment cela peut-il se passer ?
Les micropaiements peuvent marcher, mais rien n’est sûr. Je ne suis pas un spécialiste des aspects techniques, mais je pense qu’il y a encore pas mal de travail avant que les micropaiements deviennent aussi transparents que le minitel français aujourd’hui. En fait, il se peut que les sites web deviennent comme le supplément couleur d’un journal : vous l’achetez avec l’édition du week-end, mais vous ne dépenseriez jamais de l’argent pour l’obtenir séparément. Et pour le journal, le supplément couleur ne rapporte pas beaucoup d’argent, mais il faut tout de même l’avoir pour des raisons de concurrence.
Les médias en ligne vont-ils survivre aux expérimentations d’Internet payant ? Ou bien le massacre va-t-il se poursuivre ?
Le bon contenu coûte très cher : regardez le mode de fonctionnement de n’importe quel magazine sérieux. Il faut bien que quelqu’un paie la facture. Il y a de moins en moins d’argent pour produire du contenu en ligne. Je crois que seulement une poignée de sites de contenu peuvent atteindre l’équilibre, sans parler de faire un bénéfice important. Même le Wall Street Journal fait très peu d’argent en ligne en comparaison des éditions imprimées. En d’autres termes, je pense que les entreprises de médias traditionnelles sont les mieux placées pour apporter du contenu au Web et pour le financer.
Si les internautes n’acceptent pas de payer pour le contenu en ligne, les entreprises puis les individus ne risquent-ils pas de migrer vers d’autres applications d’Internet ?
C’est une question de valeur perçue. Je peux concevoir que la musique soit distribuée selon une formule d’abonnement, et que les internautes soient tentés par cela, puisqu’il y a une perception réelle de la valeur attachée à la musique. Mais cette règle ne s’applique pas à d’autres contenus en ligne, et je ne sais pas comment la mentalité du public pourrait évoluer en profondeur. Dans n’importe quel business, il est dur de convaincre le public de payer pour quelque chose à laquelle il avait jusque-là accès gratuitement.