La campagne de lancement de Scoot.fr, un annuaire de professionnels, reprend la devise des scouts - "toujours prêts" - et parodie leur sens du dévouement. Les Scouts de France n’ont pas apprécié.
Un dimanche matin, des scouts en uniforme sonnent à la porte d’un appartement. Un particulier leur ouvre, le cheveu clairsemé mais humide. Derrière lui, sa femme manie la serpillière pour éponger un plafond dégoulinant. Pas de quoi freiner le chef de patrouille dans sa collecte de fonds "pour construire un village en rondin de bois". Il débite donc son discours pour refourguer ses somptueux calendriers représentant des "duos de chien, qui plaisent beaucoup" ! Mi-atterré, mi-incrédule, le particulier lui demande s’il ne connaîtrait pas plutôt "un plombier ouvert le dimanche matin". Ce à quoi le chef de patrouille, indémontable, lui rétorque : "Malheureusement, nous ne sommes pas Scoot." Ce spot hilarant - déjà disponible sur Internet et diffusé à partir de vendredi 23 mars à la télévision et en mai au cinéma - est l’un des éléments de la campagne de communication de Scoot.fr. Officiellement lancé en France mardi 20 mars, cet annuaire de professionnels (plomberie, restaurant, etc.) compte Vivendi parmi ses principaux actionnaires.
Castor jovial ne rigole plus
Toute la campagne de publicité (affichage, presse, télévision, radio, cinéma) est basée sur le parallèle entre Scoot et les scouts, avec un ton humoristique. Le problème, c’est que les Scouts de France n’ont pas du tout apprécié ce qu’ils considèrent comme une ridiculisation de leur mouvement. "Ce qui nous choque, c’est qu’une entreprise utilise l’image d’une association loi 1901 pour la ridiculiser à des fins commerciales", s’insurge Jean-Marie Montel, responsable de la communication des Scouts de France. Il a donc publié, mardi 20 mars, un communiqué pour dénoncer cette récupération et réfléchit avec ses avocats aux éventuelles suites judiciaires à donner à l’affaire. Une réunion de conciliation devait d’ailleurs se tenir mercredi 21 mars, en fin d’après-midi, entre les deux parties.
Scoot et scouts, même combat
"L’humour n’est pas un crime, que je sache, explique Jean-Laurent Poitevin, directeur de la communication de Scoot. Nous avons choisi ce thème de campagne car nous considérons le mouvement scout sympathique et positif. Il correspond bien à l’humus de la marque, c’est-à-dire le service et l’accessibilité." La virulence de la réaction des Scouts de France l’a donc un peu surpris. L’humour n’étant effectivement pas un crime et la campagne de Scoot n’étant pas diffamante, les Scouts de France n’attaqueront pas sur ce point. En revanche, ils évaluent le préjudice en termes d’image et en termes financiers (la vente des calendriers et l’emballage des paquets au moment de Noël représentent chacun environ 15 millions de francs de recette) pour savoir s’ils réclameront des dommages et intérêts.
Par ailleurs, ils pourraient embêter Scoot sur plusieurs questions juridiques annexes. Ainsi, Scoot a déposé le nom de domaine www.scout.fr, une adresse qui renvoie automatiquement sur le site www.scoot.fr. "Nous n’avons pas fait ça pour nuire aux scouts, mais parce nous pensons que de nombreux internaute taperont cette adresse par erreur pour accéder à nos services", assure Jean-Laurent Poitevin. Reste que Jean-Marie Montel est furieux, d’autant que lui-même avait essayé de déposer ce nom de domaine en 1996. Demande rejetée, car l’Afnic était alors intransigeante sur le dépôt de noms communs génériques comme noms de domaine. "Pour résoudre le problème, nous avons proposé aux Scouts de France de partager une page d’accueil commune à l’adresse www.scout.fr, renvoyant en un clic sur notre site ou le leur, selon le choix de l’internaute", affirme-t-on chez Scoot. Jean-Marie Montel n’est pas contre, mais trouve la proposition un peu légère par rapport au préjudice.
Toujours prêt
Autre point de litige, Scoot a déposé la marque "Toujours prêt" qui sert de signature à sa campagne. "C’est la devise de notre mouvement depuis 1920, s’offusque Jean-Marie Montel. Nous n’avions pas fait la démarche de la déposer comme marque, mais nous bénéficions d’une antériorité flagrante et allons donc demander à la récupérer." Mais Jean-Laurent Poitevin reste confiant sur cette signature, qui devrait monter en puissance tout au long de la campagne de lancement. "C’est nous qui détenons la marque", se contente-t-il de dire. Ironie de l’histoire, les Scouts de France devaient lancer, en avril ou en mai, leur propre campagne de communication. "Nous avons un million de francs de budget, ce qui est, pour nous, faramineux. Mais c’est ridicule à côté des moyens de Scoot", raconte Jean-Marie Montel, qui craint de passer inaperçu. Il faut dire que le budget communication de Scoot pour son lancement frôlerait les 100 millions de francs.