Ils pèsent moins de 25 kilos ou près de 250. Ils sont armés de scies circulaires, de marteaux, de pics, de faux. Dans une arène ceinte d’un mur de verre blindé, ces robots électriques télécommandés s’affrontent jusqu’à la destruction totale devant leurs afficionados. Depuis cet été, ils intéressent les télés.
©battlebots.com |
Ils s’appellent Biohazard, Rhino, Nightmare, Voltarc. Ou Mechadon, Vlad l’Empaleur, Ronin, Killerhurtz. Des noms ronflants qui mêlent la culture des Pokémon à celle des gladiateurs de
comics. En toute logique. Car les
battlebots, les robots de combat, réussissent à faire coïncider la violence la plus flagrante et l’innocuité la moins critiquable. Certes, face à face dans une arène, ces mécaniques radiocommandées s’affrontent jusqu’à la destruction totale. Mais les coups et les étincelles qu’elles échangent par scie circulaire, pic, marteau ou masse interposés ne font que tordre des axes, fausser des roues, gripper des chenilles, percer des tôles, entailler des chassis, griller des circuits. À l’issue du duel, ce n’est pas du sang qui souillera le sol de l’arène, mais de l’huile moteur.
Tronçonneuses fatales
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Le genre existe depuis 1994, quand un technicien des effets spéciaux de George Lucas en jeta les bases. Il eut, selon la légende, l’idée de greffer une télécommande sur un aspirateur. Aujourd’hui, le Web grouille de pages où des Américains d’âge mental tendre échangent des combines de construction ("
choisissez toujours les roues les plus légères !"), démêlent le légal de l’illégal ("
Est-il possible d’utiliser en compétition des armes lançant des projectiles ?"), narrent au jour le jour la genèse de leur champion mécanique ("
J’espère que ce week-end, Papa pourra m’aider à calibrer les protections thermiques des moteurs"). Le Web a aussi ses sites de ventes d’accessoires dédiés, T-shirts, radio-commandes, chenilles, etc. Quant aux rencontres elles-mêmes, elles ont plusieurs fois par an pignon (si l’on ose dire) sur rue à Las Vegas, Long Beach ou San Francisco. La
Battlebox, ring d’une douzaine de mètres de côté où s’affrontent les robots, doit son nom à la ceinture de verre traité qui l’entoure. Celle-ci n’existe que pour protéger les spectateurs de fragments volants de combattants meurtris. Mais sous des trappes, son sol dissimule une bonne douzaine de pièges, du marteau à la tronçonneuse, qui menacent de façon aléatoire les deux adversaires. Ces combattants sont répartis, comme en boxe, par catégorie de poids, des légers (moins de 25 kilos) aux super-lourds, qui flirtent avec les 250 kilos. Et, comme en boxe, une série d’éliminatoires précède la finale. Bref, les
battlebots sont un passe-temps américain typique - la version contemporaine de la course de dragster ou du concours de voltige pour modèle réduit d’avion, l’agressivité frontale en plus, le risque en moins.
Combats télévisés
Consécration, la télé s’est emparée du phénomène. D’abord par le câble, avec Comedy Central. Comme ses sœurs non hertziennes, le souci de Comedy Central est de bloquer le channel surfer (le zappeur de passage) et de le garder. Présent sur son écran depuis août dernier, le programme Battlebots lui assure une audience de 1,6 million de spectateurs. Le Network NBC, avec le show Tonight présenté par Jay Leno, a saisi la balle au bond, en offrant à son public un choix de séquences de combat. Leno lui-même s’est entiché de la discipline au point de se faire construire un robot - Chin-Killa - et de le présenter ce 19 novembre, au tournoi de Las Vegas.
Sans trop cacher sa désapprobation, le New York Times cite un constructeur décrivant ainsi le plaisir d’assembler un robot dans sa cave : "Descendre l’escalier, allumer la lumière, boire des tas de Coke, bouffer des tas de caramels et de M&M’s et bosser sur le robot toute la nuit." Un bricolage coûteux en temps et en argent dont le fruit peut se voir réduit au statut de ferraille au cours de ces trois minutes que dure un assaut de Battlebots. Sans cris, sans sang, sans souffrances - ce dont l’American staffordshire et le coq de combat ne sont pas encore capables.