L’année a été marquée par l’adoption, le 28 juin 2000, d’un amendement à la loi sur la liberté de la communication de 1986. Proposé, au printemps 1999, par le député socialiste Patrick Bloche, à la suite de la condamnation de l’hébergeur gratuit AlternB, cet amendement était, à l’origine, destiné à limiter la responsabilité des hébergeurs de sites Web. AlternB avait en effet hébergé, à son insu, un site diffusant des images déjà interdites par la justice, montrant le mannequin Estelle Halliday nue. Le texte de Patrick Bloche a cependant évolué au fil de lectures successives à l’Assemblée nationale et au Sénat. Dans sa version définitive, cet amendement stipule que les hébergeurs sont tenus de détenir et de conserver les données de connexion, permettant l’identification de toute personne ayant créé un site chez eux. Ces données ne peuvent être communiquées qu’au juge. Le texte précise que les éditeurs de sites Web doivent s’identifier auprès de leur hébergeur et communiquer au public leur identité et leur adresse. Les personnes qui créent des sites à titre personnel peuvent rester anonymes auprès du public, mais ils doivent communiquer des éléments d’identification aux hébergeurs. Quant aux fournisseurs d’accès à Internet, ils doivent proposer un logiciel de filtrage à leurs clients.
Les hébergeurs ne sont pas responsables des contenus qu’ils mettent à la disposition du public, sauf s’ils n’ont pas coupé l’accès au site suite à la demande d’un juge, ou s’ils n’ont pas procédé " aux diligences appropriées ", ayant été saisis par un tiers estimant illicite ou préjudiciable un contenu qu’ils hébergent. Cette dernière disposition, fortement critiquée par tous ceux qui craignaient que les hébergeurs ne se transforment en censeurs, a finalement été annulée pour " imprécision ", en juillet 2000, par le Conseil Constitutionnel. En revanche, la notion d’" identification préalable des éditeurs de contenu " demeure. Les auteurs de sites doivent désormais décliner nom, prénom et adresse. La clause, justifiée par le gouvernement au nom de l’idée de " responsabilisation " de ceux qui s’expriment, a été dénoncée par les défenseurs de la vie privée.
La protection des données personnelles en France est un principe établi, depuis 1978, par la loi Informatique et Libertés. Dans les faits, on est pourtant en droit de s’interroger sur son application. En vingt-deux ans et sur près de 33 000 plaintes, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), préférant " le dialogue et la concertation ", n’a finalement émis que 47 avertissements, dont 16 ont été portés à la connaissance des juges.
Un autre point important concerne la prescription des délits de presse, jusqu’alors garantie par la loi : un article imprimé ne peut susciter de poursuites judiciaires au-delà de trois mois à compter du jour de sa publication. Deux décisions judiciaires (arrêt Costes du 15 décembre 1999, Cour d’appel de Paris ; Jugement Carl Lang/Réseau Voltaire du 6 décembre 2000, Tribunal de grande instance de Paris) ont conclu que la loi sur les délits de presse ne s’appliquait pas à l’Internet. Sur le réseau, il n’y aurait donc plus de prescription. Pour les juges, la publication en ligne, destinée à demeurer, traduit une volonté " renouvelée " de l’auteur d’affirmer son propos. La publication étant continue, il n’y a pas de " premier jour " d’édition. Cette décision a de lourdes implications : elle remet en question le principe de la loi sur la presse selon lequel une personne qui s’exprime publiquement ne peut être contrainte de garder indéfiniment la preuve de ce qu’elle avance. Une telle jurisprudence fait courir le risque de poursuites des années après la publication d’une information, et remet en cause la possibilité de constituer des archives en ligne.
Un débat est également apparu autour de l’affaire Yahoo !. Le 12 avril 2000, la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), rejoints par le Mouvement contre le racisme, l’antisémitisme et pour la paix (MRAP), ont assigné le portail Yahoo ! en justice pour tenter de faire interdire la vente d’objets nazis sur son site d’enchères. La vente de tels objets est interdite en France, pas aux ...tats-Unis. Le 22 mai, le juge des référés du Tribunal de grande instance de Paris, Jean-Jacques Gomez, a demandé à Yahoo ! d’empêcher l’accès du site d’enchères aux internautes français. Les Américains ne proposant aucune solution, le juge a fait appel à des consultants " impartiaux ". Le 20 novembre 2000, et suite à l’audition de ces experts, il a condamné le site américain à mettre en place un filtrage des internautes français par la localisation de l’adresse IP associé à un filtrage de la requête par mots-clés. La firme américaine s’est refusée à appliquer l’ordonnance du juge Gomez et a fait appel de la décision, le 21 décembre 2000, devant une juridiction américaine. Le 10 janvier 2001, Yahoo ! a décidé d’interdire toute vente d’objets nazis sur son site d’enchères, tout en affirmant que cette décision " n’est pas une réponse à l’ordonnance de la justice française.
Tout au long de cette affaire, de nombreuses voix, dont celle de Reporters sans Frontières, se sont élevées pour protester contre ce qu’elles assimilent à un dangereux précédent en matière de " frontièrisation " d’Internet, allant dans le sens d’une surveillance accrue des internautes.
Fiche technique :
Population : 58,9 millions
PIB par an et par habitant : 22 323 dollars
Fournisseurs d’accès à Internet : environ 200
Internautes : de 6,4 millions (NetValue) à 12,8 millions (MMXI).
IRIS (Imaginons un Réseau Internet Solidaire), la principale association française de défense des libertés sur l’Internet
http://www.iris.sgdg.org
Le Réseau Voltaire, banque de données consacrée à la lutte pour les libertés et la laïcité
http://www.reseauvoltaire.net
Pour acheter le rapport Les Ennemis d’Internet sur 00h00.com:
http://www.00h00.com/direct.cfm?tit...