Une
version repatouillée de l’amendement
Bloche a été votée, mercredi
22 mars, par les députés. La responsabilité
des hébergeurs demeure allégée
mais les prestataires techniques pourront être
poursuivis à la suite d’une "mise
en demeure d’un tiers".
La
navette entre les deux assemblées continue...
Après un premier
vote de l’Assemblée nationale, en
mai, puis un passage devant le Sénat en janvier
dernier (voir
article de Transfert), c’était au
tour des députés de se prononcer sur
la responsabilité des prestataires techniques
du Net : fournisseurs d’accès, de services
et d’hébergement. Résultat : les députés
sont moins sévères que leurs confrères
du Sénat mais l’amendement Bloche qui
vient d’être voté a tout de même
été légèrement durci.
Annulant, en toute logique, l’essentiel des
modifications apportées par le Sénat,
le nouvel article précise à nouveau
que les hébergeurs ne sont pas tenus pour
responsables du contenu des sites qu’ils hébergent
sauf
- "si, ayant été saisis par
une autorité judiciaire, (ils) n’ont pas
agi promptement pour empêcher l’accès
à ce contenu, sous réserve qu’(ils)
en assurent directement le stockage" ;
- "s’(ils) sont à l’origine
de la création ou de la production de contenus
illicites" ;
- si "ayant été destinataire
d’une mise en demeure d’un tiers estimant que le
contenu qu’il héberge (...) est illicite
et lui cause un préjudice, il n’a pas
procédé aux diligences appropriées,
l’autorité judiciaire demeurant seule juge
du caractère illicite du contenu en cause".
Appréciation du juge
C’est ce dernier article qui durcit le propos
initial de Patrick Bloche et qui a suscité
le mécontentement de l’association Iris
(Imaginons un réseau Internet solidaire).
L’Iris craint notamment que les hébergeurs
ne prennent l’habitude de couper purement et
simplement l’accès à un site,
dès qu’il seront sollicités par
une personne jugeant le contenu illicite. Patrick
Bloche conteste cette analyse (voir
ci-dessous). Pour lui le terme de "diligences
appropriées" n’est qu’une
manière d’inciter les hébergeurs
à "réagir" aux demandes
des tiers. Cette réaction pouvant se limiter
à une simple réponse par mail. Pour
Isabelle Tellier, avocate du cabinet Bensoussan,
le terme juridique n’est pas aussi précis.
"Procéder aux diligences appropriées
revient à mettre en œuvre tous les moyens
à sa disposition, qui sont pertinents et
que l’on juge nécessaire" dit
l’avocate. Une autre façon de dire que
la réaction de l’hébergeur reste
à l’appréciation du juge...
La réponse
de Patrick Bloche
)transfert : Vous
n’avez pas l’impression de reprendre une
mesure des sénateurs en étendant la
responsabilité de l’hébergeur
au cas où il est saisi par un tiers ?
- La mesure du Sénat allait beaucoup plus
loin. Elle visait à transformer les hébergeurs
ou les fournisseurs d’accès en juges
du contenu. Ce n’est pas du tout mon intention,
je ne les engage qu’à procéder
à des diligences appropriées.
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Assemblée nationale
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Pour
l’association Iris, cette mesure encouragera
les hébergeurs à faire de la censure
préalable. Que répondez-vous ?
- Je connais très bien l’Iris puisque
j’en suis membre d’honneur et je ne saurais
remettre en cause la pureté de sa logique.
Mais j’ai voulu concevoir la loi en tenant
compte de la pratique. J’ai discuté
avec différents responsables, comme ceux
de l’Association des fournisseurs d’accès
(AFA),
ou Michel
Meyer (de Multimania,
ndlr). Je tiens compte de leurs observations. Tous
me disent que, en cas de souci, ils ne restent pas
sans réaction. En cas de problème,
ils tentent de parvenir à un accord avec
l’auteur d’un site. S’il n’y
a pas d’accord, ils se tournent vers le juge.
Donc, dans ce texte, je dis aux intermédiaires
: "Si vous êtes saisis sur un contenu,
vous devez réagir, vous devez faire de la
médiation".
Cette interprétation ne figure pas dans
le texte... Le juge ne pourrait-il pas estimer que
la "diligence appropriée",
c’est de couper l’accès au site
?
- Non. Puisqu’il est précisé
dans l’alinéa précédent
que l’intermédiaire n’est tenu
d’empêcher l’accès au site
que si un juge le lui ordonne.
Sur quels critères se fondera un juge
pour estimer que l’hébergeur a bien
procédé à cette "diligence
appropriée" ? Une réponse
par mail sera jugée suffisante ?
- Absolument. Parler de "diligence appropriée"
revient à dire que l’hébergeur
doit réagir. Mais "réagir",
ce n’est pas un terme très juridique.