Alors que gouvernements et écologistes se focalisent sur les plantations OGM, depuis quelques années, de nombreux micro-organismes transgéniques sont déversés comme pesticides ou comme engrais dans les champs nord-américains. Le problème, c’est que ces bactéries ont encore plus tendance que les végétaux à échanger leurs gènes avec les bactéries naturelles. De quoi transformer un banal insecticide bio en super-anthrax...
Selon Joe Cummins, un biologiste américain opposé à la commercialisation des OGM, "la combinaison des récoltes transgéniques avec les biopesticides génétiquement modifiés peut créer des recombinaisons génétiques susceptibles de dévaster la microflore et la microfaune des sols".
L’engrais bio façon OGM
Les végétaux et les bactéries du sol vivent en symbiose depuis des millions d’années. Certains micro-organismes produisent naturellement des insecticides, ou bien fixent l’azote nécessaire à la plante. Avec la technique des OGM, les ingénieurs agronomes ont conçu des bactéries transgéniques capables de remplacer les engrais et les traitements chimiques des plantations.
Exemple : une variété génétiquement modifiée de Sinorhizobium meliloti a été récemment commercialisée. Ce bacille a naturellement la propriété de fixer l’azote atmosphérique sous une forme assimilable par la plante, ce qui en fait une mini-fabrique d’engrais. On a "amélioré" son efficacité en lui ajoutant plusieurs gènes dont certains, utilisés comme une sorte de signature biologique de l’OGM, provoquent une résistance aux antibiotiques.
Résistance antibiotique incontrôlée
Certains chercheurs craignent qu’en répandant des milliards de spores de S. meliloti modifiée dans le sol, ces gènes de résistance aux antibiotiques finissent par être transférés à d’autres variétés de bactéries, pathogènes pour l’homme ou l’animal.
Les transferts de gènes entre espèces OGM et espèces naturelles, appelés transferts horizontaux, apparaissent maintenant comme le principal risque lié aux cultures OGM. Des chercheurs ont déjà décrit des transferts de gènes de résistance à la streptomycine (l’un des antibiotiques les plus courants) entre un végétal génétiquement modifié, le tabac, et la bactérie acinobacter.
Les adversaires des OGM ont de bonnes raisons de craindre que ce type "d’accident" ne se multiplie si l’on continue à utiliser des micro-organismes transgéniques.
Anthrax des villes, anthrax des champs
Une partie du génome des bactéries est inscrite dans un ou plusieurs petits chromosomes appelés plasmides. Les bactéries s’échangent très facilement leurs plasmides et les gènes qu’ils contiennent, même entre espèces différentes. Ces plasmides sont souvent le siège des gènes de résistances aux antibiotiques, mais ils déterminent aussi la virulence des bactéries.
La virulence et la toxicité de l’agent de la maladie du charbon, le fameux anthrax ou B. Antracis, dépendent de la présence de deux plasmides X01 et X02.
Des chercheurs ont découvert que B. Antracis formait une seule et même espèce bactérienne avec B. Thuringiensis, un biopesticide massivement utilisé par les agriculteurs américains.
Les deux bacilles ne diffèrent que par leurs plasmides, qui déterminent leur virulence et leur caractère pathogène.
En cas de rencontre, on pourrait donc redouter que n’apparaissent des hybrides ayant la robustesse de B. Thurigensis associée à la toxicité de certaines formes d’anthrax. Heureusement, les deux bacilles ont naturellement peu de chances d’entrer en contact.