Pas une semaine sans que la communauté américaine du renseignement ne lance son cri : "Nous sommes à l’aube d’un Pearl Harbour électronique." Ces avertissements à répétition ne semblent, en fait, destinés qu’à obtenir des budgets plus importants...
 ©Transfert |
Pas une semaine sans que l’un des responsables du FBI, du National Infrastructure Protection Center (NIPC) ou de l’Armée ne brandisse la menace d’un "Pearl Harbour électronique". C’est devenu une sorte de rituel. Cette semaine, c’est le NIPC qui s’y colle. Déjà, début décembre, l’agence gouvernementale avait annoncé de très hypothétiques attaques de type Déni de service distribué (DDoS) prévues (par lecture dans une boule de cristal, sans doute) pour la fin de l’année. (lire
Au pays des nuls, les autorités sont reines). Cette fois, on se rapproche de ce que Michel Vatis, le directeur du NIPC, a passé des années à annoncer : l’attaque du réseau d’une société de production d’électricité par de méchants hackers. Sauf que malheureusement pour Michel Vatis, l’attaque n’a pas arrêté la fourniture du service... Mais "
presque, tout de même", clame le NIPC qui communique à 3 000% sur cette affaire et répète qu’on a failli assister à un Pearl Harbour électronique.
Dans cette affaire, on ne saura pas le nom de l’entreprise. On saura juste que des pirates ont utilisé un serveur FTP (
*) mal paramétré pour installer des jeux en ligne, qu’ils ont consommé 95% de la bande passante internet de l’entreprise et que celle-ci a failli ne plus pouvoir fournir d’électricité. Le NIPC parle de piratage d’un serveur FTP auquel n’importe quel internaute pouvait se connecter et avoir les mêmes droits que l’administrateur...
Explications et décodage
Une lecture technique du papier du NIPC mène à la conclusion suivante : des pirates ont eu accès à un serveur FTP mal configuré (ils n’ont donc rien piraté) et l’on utilisé (c’est effectivement interdit, en France du moins) pour faire tourner un logiciel de jeu en ligne. Que cela ait consommé 95% de la bande passante de l’entreprise laisse planer un doute sur le volume de cette bande passante... Que la production d’électricité dépende de la bande passante de l’entreprise paraît plus que farfelu.
Ou alors, les administrateurs système qui avaient laissé un accès anonyme complet à leur serveur FTP ont créé une infrastructure digne de figurer dans les anales de la bêtise informatique. Mais ce n’est finalement pas beaucoup plus idiot que de laisser un libre accès au module de mise à jour à distance du site web du NIPC, ce qui est encore le cas aujourd’hui (voir le site de Netscape Web Publisher).
Delirium tremens...
Mais il n’y a pas que l’inénarrable Michael Vatis pour voir des guerres électroniques partout. Les responsables de l’armée américaine et des services secrets se déchaînent. En période d’élection présidentielle, toutes les formes de lobbying sont bonnes, histoire d’assurer budgets et autres légitimité de postes. Ainsi, il y a quelques jours, l’un des pontes militaires américains, le lieutenant général Edward Anderson, vice-commandant en chef de l’US Space Command (qui a la responsabilité des satellites américains) a expliqué sans rire que les ...tats-Unis allaient se doter d’une arme de cyberguerre permettant de lancer des attaques DDoS et des virus. Ceci, à la demande du président Clinton. Edward Anderson a précisé que cela prendrait du temps. D’ailleurs, il n’y a pas de date limite pour réaliser cette arme et le plan de "riposte" à une cyberattaque qui va avec.
Une démarche amusante lorsque l’on sait que les ...tats-Unis planchent depuis des lustres sur ce sujet (voir Transfert n°10 p. 63). Mais également lorsque l’on examine un instant les aspects techniques liés au développement et à l’utilisation d’une telle arme. Premièrement, il faudrait environ 3 jours - si ce n’est déjà fait - à une agence comme la NSA ou la CIA pour mettre en place une infrastructure technique permettant de réaliser de monstrueuses attaques de type DDoS, vue la puissance informatique et la bande passante dont elles disposent. Ne parlons même pas des outils qui sont disponibles partout sur le Net gratuitement. Deuxièmement, il semble que les responsables américains aient oublié un détail. Internet est "le Réseau des réseaux". Ou, plus trivialement, un enchevêtrement de réseaux. Une attaque massive de type DDoS aurait forcément pour conséquence de ralentir tout le monde, réseaux américains compris. Ne parlons même pas de la propagation de virus qui frappent, par nature, au hasard. Les dommages collatéraux, comme disent les militaires, seraient terribles...
(*) ENCYCLOP...DIE HIGH-TECH
Serveur FTP (de File Transfert Protocol) : Ce serveur permet d’échanger des fichiers d’un ordinateur à un autre. Le protocole de transfert de fichiers est un des protocoles de base d’Internet, au même titre que HTTP (Web), Usenet (Newsgroups) ou ceux utilisés pour le mail.