Le Forum des droits sur l’Internet crée un nouveau groupe de travail sur les question juridiques posées par les liens hypertextes.
Le Forum des droits sur l’Internet s’était donné deux thèmes de réflexion lors de son lancement : "Internet et les relations de travail" et "les modes de règlements alternatifs des conflits". L’organisme, créé cette année à la demande de Matignon pour se pencher sur les enjeux juridiques du réseau, lance un troisième chantier : les liens hypertextes. Le forum "souhaite déterminer les circonstances dans lesquelles l’établissement d’un lien hypertexte peut porter atteinte aux droits et aux usages en vigueur sur l’Internet, notamment au regard de la propriété intellectuelle et de l’ordre public". Autrement dit, il abordera non seulement le droit applicable et la jurisprudence existante, mais aussi les chartes adoptées par certains éditeurs autorisant ou non l’établissement de liens vers leurs sites. Autant de règles privées qui posent, elles-mêmes, des questions de droit. La question des liens hypertextes préoccupe depuis longtemps les internautes. Ce sont d’ailleurs les contributions des visiteurs du site qui ont poussé le conseil d’orientation du forum à créer un nouveau groupe de travail sur ce thème, dont la composition exacte n’est pas encore connue. Interview d’Arnaud Di Meglio, avocat chez Bird & Bird et auteur d’une thèse sur le référencement.
Quelle est la jurisprudence existante en France en matière de liens ?
Elle est encore assez rare. Il s’agit surtout d’affaires concernant des liens vers des fichiers MP3 piratés, vers des sondages publiés peu avant une élection ; et des cas de contrefaçon de marque et de parasitisme, qu’illustre le contentieux entre les sites Cadremploi et Keljob.
Les règles de droit applicables sont donc diverses ?
Tout dépend, en fait, vers quoi renvoie le lien. Les liens vers des fichiers MP3 pirates renvoient à la législation sur la contrefaçon, l’affaire des sondages relevait de la loi sur les sondages, les litiges commerciaux abordent la concurrence déloyale et le parasitisme, ainsi que le droit des bases de données. La question plusieurs fois soulevée des "liens profonds" [qui vont au-delà de la page d’accueil du site, NDLR] renvoie à toutes ces règles, même si la plupart des contentieux relèvent du parasitisme et de la concurrence déloyale.
Le droit existant est-il adapté à cet objet nouveau qu’est le lien hypertexte sur Internet ?
Selon moi, il est mal adapté. On plaque par exemple les règles du droit d’auteur sur certaines affaires, ce qui aboutit à donner à la personne qui crée un lien vers un contenu illicite le même statut que celui qui fournit le contenu lui-même. Son rôle d’intermédiaire n’est pas distingué.
Le concept de lien hypertexte lui-même n’existe pas juridiquement ?
Non, c’est la raison pour laquelle, selon moi, les tribunaux assimilent le créateur d’un lien à un fournisseur.
La question préoccupe les internautes depuis longtemps mais la situation évolue peu, côté législation ou même jurisprudence...
Pour l’instant, le législateur s’est surtout prononcé sur le rôle des fournisseurs de services Internet. Cependant, la Commission européenne, dans la foulée de la directive sur le commerce électronique, a prévu de rendre un rapport sur les liens hypertextes d’ici à 2003. En ce qui concerne le contentieux, c’est vrai qu’il reste limité. Là encore, les tribunaux ont examiné davantage de litiges concernant l’hébergement et l’accès. Mais une affaire comme celle qui oppose Cadremploi à Keljob annonce les prémices d’autres contentieux, en particulier dans le secteur des moteurs de recherche.