7/12/1999 • 16h12
Quand CiteWeb rencontre la fortune
En 1997, trois étudiants montent, par pure passion et entre deux cours à la fac, un site d’hébergement gratuit baptisé CiteWeb. Deux ans plus tard, c’est le succès : 30 000 membres revendiqués et un rachat par l’américain FortuneCity en novembre dernier. Au programme désormais : plus de professionnalisme mais aussi l’arrivée de la pub...
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Charles
Sautier, Alexandre Nérat et Jean-Marie Rétif
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Une petite pièce
exiguë bourrée dordinateurs, des bureaux recouverts
de canettes de Coca traînant au milieu des restes du repas de
midi... Cest dans ce fouillis que Jean-Marie Rétif, Charles
Sautier et Alexandre Nérat soccupent quotidiennement
de leur site dhébergement gratuit, CiteWeb. Logés
dans les locaux de la France Télématique Diffusion (FTD),
les trois garçons au look dados, nauraient jamais
imaginé se retrouver là trois ans plus tôt. Entre
deux fous rires, ils racontent leur aventure sur le Web. Charles et
Jean-Marie se sont connus à la fac en première année
de MIASS (Mathématiques et informatique appliquées et
sciences sociales). À lépoque, ils bidouillent
sur les BBS (Bulletin Board System), un serveur muni dun modem
hébergé chez Jean-Marie, sur lequel se connectent potes
et inconnus. "Cétait carrément lancêtre
des news groups, raconte Charles. Les gens étaient obligés
de téléphoner pour se connecter et échanger des
messages." Avec larrivée dInternet en
France, les deux lascars, rejoints par Alexandre, décident
de migrer sur le Web. "On a créé notre premier
site, Orangejuice, sur Mygale. Et très vite, on a eu envie
de faire comme eux" ajoute Jean-Marie. Début 97, ils
se jettent à leau et lancent leur propre site dhébergement
gratuit. Le test fonctionne et la chance frappe à la porte.
Jean-Marie rencontre de Denys Chalumeau, le patron de FTD, société
de télématique, lors dun mariage. "Cétait
vraiment un coup de bol, on a parlé informatique et ça
a démarré
" Lentreprise, qui fournit
des services Minitel, veut se lancer dans lInternet. FTD apporte
les moyens techniques à la petite équipe qui gère
le site en toute liberté. Un peu de pub sur IRC (logiciel de
chat en ligne) et le bouche à oreille fera le reste. Très
vite, CiteWeb cartonne. Le site revendique aujourdhui plus de
30 000 membres.
Quand le gros poisson mange le petit
Progressivement, le petit poisson aux 30 000 membres attire les plus
gros. En début dannée lhébergeur
américain Fortune City lorgne sur CiteWeb, après avoir
démarché sans succès Ifrance et Le Village. Les
responsables de CiteWeb prennent conscience quil faut sorganiser
: en août dernier, ils montent une SARL. Répartition
du capital : 70 % pour FTD, 30 % pour les trois jeunes. Bertrand Le
Maréchal, chargé des négociations par Fortune
City, prend contact avec FTD. "On a eu pas mal dautres
propositions, raconte Jean-Marie, lun des fondateurs, dun
côté les acteurs étrangers qui voulaient simposer
en France et de lautre les français, mais tous avec des
philosophies assez merdiques, genre on rachète et après
on fait ce quon veut." En bref, la préférence
de léquipe va très vite à Fortune City
qui semble disposée à plus de concessions. Laffaire
est dans le sac pour quelques millions de francs. Fortune City est
désormais propriétaire à 100 % de CiteWeb. La
société FTD, toujours éditrice, est rémunérée
par Fortune City au prorata de la journée travaillée.
Mais quen est-il de lesprit revendiqué depuis toujours
par CiteWeb ? "Au départ, ce site on la fait
pour rigoler, on veut garder un esprit de dialogue avec les utilisateurs,
on na pas envie que ça tombe entre des mains de rapaces
" répondent candidement les trois gars. Ce qui les a conquis
: la perspective de nouveaux moyens techniques apportés par
Fortune City et le fait de rester ensemble. Charles précise
: "Il ny a pas eu de refonte totale de léquipe
comme Mygale avec Multimania. Le seul changement pour nous, cest
que ce sera plus rapide. Nous, on est salariés, on ne travaille
pas dans un but commercial." Jean-Marie et Charles sont rémunérés
depuis septembre par FTD pour un temps complet. Alexandre, lui, termine
ses études dingénieur tout en assurant un temps
partiel. Malgré la confiance de ses fondateurs, les choses
risquent doucement de changer chez CiteWeb. Pour preuve : la pub fera
bientôt son apparition sur le site
Très bientôt.
Trois
questions à Bertrand Le Maréchal de Fortune City, nouveau
responsable de CiteWeb :
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Bertrand
Le Maréchal
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Comment se
distribuent les rôles entre vous et les fondateurs de CiteWeb
?
Alexandre, Jean-Marie et Charles vont continuer à gérer
le site au quotidien, tout ce qui est développement des e-mails,
la relation avec les utilisateurs. Le but nest pas de transformer
CiteWeb en Fortune City parce que les sites hébergés
par les deux structures ne sont pas du tout les mêmes. Sur Fortune
City, il y a essentiellement des sites amateurs alors que CiteWeb
héberge des pages beaucoup plus expérimentées.
Moi, je reste basé à Londres. Je serai un peu la tête
pensante du groupe. Je moccupe de tout ce qui est relation publicitaire
et extérieure, de la politique fiscale. Je me suis occupé
de lachat des nouveaux serveurs, je vais moccuper du recrutement
des commerciaux. En gros, tout ce qui est organisé sur le site
passe par moi. Nos commerciaux seront chargés de faire du démarchage,
de négocier les contrats avec les publicitaires.
Quels changements comptez-vous apporter au site ?
On veut juste augmenter le trafic, essayer de faire tourner la page
daccueil tous les jours, remettre en marche les forums gelés,
il y a six mois, à cause des déficiences du serveur.
Offrir de nouveaux services pour proposer, par exemple, des noms de
domaine gratuits, des statistiques
Lobjectif est de devenir
le numéro un de lhébergement en France.
La publicité va faire son apparition sur CiteWeb. À
quoi vous engagez-vous dans ce domaine ?
Pour développer un site comme CiteWeb, il faut y mettre les
moyens. On ne peut pas faire ça à fonds perdu. Cest
vrai que lon va mettre de la pub. On va commencer une campagne
en janvier et augmenter la bande passante. En revanche, les publicités
sur les sites de nos membres seront ciblées, elles seront adaptées
au contenu de la page. On va laisser le choix de laffichage
aux utilisateurs, que ce soit des fenêtres pop-up, des frames
ou des bandeaux intégrés à la page. Le spam ?
Il ny en aura jamais...
Point
de vue dun résistant, Valentin Lacambre, responsable
du site dhébergement gratuit Altern.org
Vous êtes actuellement le dernier hébergeur gratuit
sans publicité. Que vous inspire le rachat de CiteWeb par Fortune
City ?
Je ne suis pas le dernier. Je suis plutôt le premier ! Il va
falloir cloner Altern.... En fait, on est sur des modèles totalement
différents. Fortune City comme Multimania ou Geocity sont des
communautés virtuelles commerciales qui sont là pour
faire énormément de fric rapidement. Lobjectif
maintenant cest le fric. Mais je pense que lon va rapidement
sapercevoir que sur Internet il y a dautres façons
de voir les choses. Il y a beaucoup de gens qui vont peu à
peu se retourner vers des opérations plus louables en rendant
service à tout le monde. Pour moi, lexemple de Fortune
City découle dune espèce de mode de dire que nimporte
quel site est un réservoir potentiel à fric. Lobjectif
de Fortune City nest pas daméliorer la qualité
de vie des internautes cest très clair. Littéralement
Fortune City cest la Cité de la fortune, alors
Pour un site comme CiteWeb, fondé par des étudiants,
pensez-vous que le rachat était inévitable ?
CiteWeb, cétait des gamins qui faisaient leur site dans
leur coin sans se préoccuper du reste. Ils se sont retrouvés
devant le même problème que Mygale avec Multimania. Quand
on na pas dargent pour assurer le service ou pour acheter
des machines, la seule solution cest plutôt une absence
de choix. Il faut de largent pour assurer la survie du site.
http://www.citeweb.com
http://www.citeweb.com
http://www.fortunecity.fr
http://www.fortunecity.fr
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