Larsen, un hacker accusé d’avoir rendu publiques des fréquences radio classées "confidentiel défense", risque un an de prison dont une partie avec sursis -de sorte de couvrir, au moins, ses deux mois de détention déjà accomplis- et 5000 euros d’amende.
Son procès a eu lieu le jeudi 26 mars devant la 13ème chambre du tribunal de grande instance de Paris. Larsen sera fixé sur son sort le 11 juin prochain.
(DR)
A la différence de la majeure partie des hackers, qui ne jurent que par
l’informatique, Vincent Plousey, 30 ans, alias Larsen, s’était spécialisé dans le spectre électromagnétique.
Il est poursuivi pour avoir, "sur l’ensemble du territoire national (...) porté à la connaissance du public des
renseignements et données classifiées secret et confidentiel défense".
En 1997, il avait en effet publié dans le n°7, "Spécial Police", de son ezine HVU,
diffusé sur internet, une liste de fréquences radio utilisées par diverses
unités militaires et policières.
Arrêté par la DST en avril 2000, incarcéré deux mois à la Santé, considéré comme DPS (détenu particulièrement surveillé), son
dossier avait été instruit par le juge anti-terroriste Gilbert Thiel (voir "Un
hacker français poursuivi par la
DST").
Pour sa défense, Larsen a toujours déclaré s’être contenté de compiler des informations disponibles dans des publications
spécialisées légalement vendues en librairie (voir son interview, "Mon affaire
est banale").
Pour la beauté du geste
Les juges doutent des méthodes et des motivations de Larsen, qui affirme agir pour la seule beauté du geste. "Vous maintenez
qu’aucun fonctionnaire ne vous a transmis de documents ?, demande la présidente du tribunal. La procureure renchérit : "J’ai des doutes sur le
fait que M. Plousey ait fait ça ’pour le fun’ et non pour de l’argent".
Vincent Plousey travaille depuis 11 ans dans la fonction publique. Après avoir été jardinier municipal, il a aujourd’hui réalisé son "rêve" en devenant responsable de plusieurs centraux téléphoniques, grâce à son talent d’autodidacte. Un talent peu rémunérateur cependant : 7000 francs net par mois, puisque la mairie qui l’emploie n’a pas modifié son statut d’"agent d’entretien".
Le seul document non disponible en librairie publié par Larsen lui a été confié par un adolescent lors d’un meeting 2600, qui réunit, une fois par mois, apprentis hackers et autres adeptes de l’underground informatique. Selon les conclusions de l’enquête, ce document venait de
stagiaires de la police nationale, et avait été expurgé de toutes données classifiées.
Notant que la majeure partie des fréquences étaient toujours utilisées au moment de son arrestation, la procureure avance que Vincent Plousey aurait "failli dans son comportement de citoyen" et dénonce son "inconscience
consciente et volontaire" (sic), sa "perversion" et sa "fascination suspecte,
passion pathologique qui s’est faite vice", qui a mis "en péril la sécurité intérieure du pays".
Un conférencier pour les militaires
(DR)
L’avocat de Larsen, Jean-Pierre Millet, réclame la relaxe pure et simple : "La baudruche s’est dégonflée, on est à cent lieues de l’agent infiltré ou du terroriste". La défense argumente : si Vincent Plousey a été imprudent, il n’a pas sciemment diffusé d’informations classifiées, n’ayant travaillé qu’à partir de sources ouvertes,
et d’un document ne portant aucune mention de classification.
D’après Me Millet, Larsen n’a causé "aucun dommage" et a déjà suffisamment payé du fait de son arrestation et de ses deux mois de détention. L’avocat rapporte également qu’après sa sortie de prison, Plousey a été invité par l’Institut des hautes études de défense nationale
(IHEDN) pour faire un exposé sur la sécurité des systèmes d’information devant un parterre de militaires. Une preuve, selon l’avocat, qu’il ne met pas tant que ça en péril la sécurité intérieure du pays.
Mis en cause par la procureure pour avoir conseillé à Larsen de contacter des journalistes pour se défendre, Me Millet se justifie. Il rappelle que Le Monde du Renseignement,
feuille de liaison des services de renseignement largement diffusée dans les hautes sphères publiques et privées, avait nommément mis en cause Vincent Plousey en rapportant que "selon des sources proches de l’instruction, la présence dans
son entourage d’un agent des services de renseignements étrangers justifie les précautions du juge".
Cette hypothèse est d’ailleurs reprise par le juge Thiel dans son livre "On ne réveille pas un juge qui dort". Sans parler explicitement de Larsen, Thiel y laisse entendre que ce dernier se serait introduit dans des ordinateurs militaires et
n’aurait pu s’empêcher de diffuser les fréquences qu’il y aurait trouvées.
Or, Vincent Plousey n’a jamais été interrogé, ni sur la présence d’un espion dans son entourage, ni sur d’éventuelles intrusions dans des serveurs
militaires, au cours de l’instruction. C’est la perspective de passer pour un "traître", et la diffamation, qui a poussé son client à s’exprimer publiquement : "je n’étais pas fier et voulais plutôt m’écraser".
Après avoir écrit une lettre ouverte aux hackers pour les inciter à ne pas faire comme lui, Larsen se définit aujourd’hui comme un "hacker retraité".
A l’issue de son procès, et dans l’attente de son jugement, il passe, au pire pour un mauvais garnement, plus vraisemblablement pour une victime de l’incohérence et des travers de la notion de "secret défense".