Pierre Brisson est responsable du programme de transfert de technologies de l’Agence spatiale européenne (ESA). L’idée de ce service est de développer des applications "terriennes" pour des technologies initialement conçues pour l’espace. Et amortir ces recherches, très coûteuses et à usage unique, en les vendant principalement à des industriels ou à des organismes d’état (350 millions d’euros générés en 2002). A l’occasion de l’année européenne des handicapés, la Cité des sciences et de l’industrie organise une table ronde sur le rapport entre l’innovation technologique et la prise en charge du handicap le samedi 11 octobre à Paris. Pierre Brisson y participera.
Il est difficile d’imaginer que les technologies spatiales hyper-spécialisées puissent servir au quotidien de personnes handicapées. Quels types de technologies peuvent être transférés vers "les simples terriens" ?
Pierre Brisson : Les technologies spatiales sont conçues pour répondre à de nombreuses contraintes. On pense d’abord à l’absence de gravité, au vide ou aux rayonnements solaires directs... Mais il ne faut pas oublier que nos ingénieurs doivent également se soucier de la durabilité, de la miniaturisation, de la résistance aux différents rayonnements (X, UV, IR...), de la légèreté, de l’approvisionnement énergétique sans maintenance...
Ces caractéristiques nous permettent de répondre à des demandes spécifiques, particulièrement à destination des enfants. Je pense par exemple au cas des "enfants de la lune" (Xeroderma pigmentosum est une maladie responsable d’une hypersensibilité aux rayons ultraviolets, Ndlr). Nous sommes en mesure de leur fournir des visières anti-UV adaptées ou des systèmes de refroidissements de casques. Nous avons également les équipements nécessaires pour effectuer des tests adaptés aux pathologies.
Nos techniques sont souvent adaptées aux soins de maladies orphelines comme celle dont souffrent les "enfants de la lune". Mais nous répondons aussi à des handicaps plus fréquents comme la cécité, la surdité ou la mobilité réduite. Ainsi, nous développons des systèmes d’orientation pour les non-voyants ou des fauteuils roulants légers et autonomes pour des personnes ayant perdu leur mobilité.
Quelle part du programme de transfert de technologies est destinée aux handicapés ?
En cette année européenne des personnes handicapées, nous avons insisté sur le transfert de technologies liées au confort des handicapés. Mais même en temps normal, la part de notre travail qui leur est destinée est loin d’être négligeable. Nous traitons 60 % de demandes venant d’industriels et des organismes d’Etats et 40 % d’innovations spontanées. Parmi ces deux axes de travail, près de 20 % de nos recherches concernent les handicapés, soit 10 % pour chaque filière.
Quel est l’intérêt pour l’ESA d’entretenir un bureau de transfert de technologies et de mener ce type de recherche ?
Plus de 150 milliards d’euros ont été dépensés en 30 ans d’ESA ! Ces technologies souvent destinées à une mono-application spatiale peuvent trouver d’autres
débouchés. Pour sortir du domaine des handicapés, je peux citer une foule d’exemples très variés : airbags, cellules solaires de haut rendement, injection sans aiguille, marquage laser, télémédecine, couches pour nourrissons, endoscopie, batteries de voitures électriques, transport d’organes, coques et châssis de voitures de sport, déminage des mines anti-personnel...
Loin d’être un gadget, ce bureau de transfert de technologie aide au financement des projets de l’ESA... En 2002, le chiffre d’affaire généré fut de l’ordre de 350 millions d’euros.
Site du programme de transfert de technologies (Agence spatiale européenne):
http://www.esa.int/export/esaED/ESA...
Présentation de la table ronde à la Cité des sciences et de l’industrie:
http://www.cite-sciences.fr/francai...
Association pour le Xeroderma Pigmentosum
http://www.orpha.net/nestasso/AXP/