Le sommet de la Banque mondiale et du FMI démarre mardi 26 septembre à Prague. Une manifestation virtuelle permet aux militants anti-mondialisation de faire entendre leur voix sur le Net. L’opération est organisée par la Fédération des réactions aléatoires, un collectif d’hacktivistes français.
"Appel à la manifestation directe sur Internet : désobéissance civile en ligne en soutien aux actions contre la mondialisation à Prague !" L’intrigante Fédération des réactions aléatoires (FRA), un collectif d’hacktivistes français, a lancé, il y a quelques jours, cet appel sur plusieurs listes de diffusion proches des militants contre le sommet de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) dans la capitale tchèque. Le 26 septembre, de midi à minuit (GMT), les manifestants qui n’auront pu se rendre sur place pourront donc discuter en temps réel, tout en assaillant les serveurs des sites des grandes institutions financières internationales, comme le FMI. Reno Courvoisier, le père de l’action baptisée Protest Online Chat, explique la méthode : "Nous avons mis au point une sorte de dictionnaire militant d’une centaine de mots : à chaque fois que l’un d’entre eux apparaît dans la discussion, une requête est envoyée vers la cible. Nous avons abandonné les systèmes automatiques moins participatifs : il suffisait que l’internaute soit connecté même s’il n’était pas derrière son ordinateur." Avec trois associés, Reno Courvoisier a fondé, il y a un an et demi, la FRA, "pour apprendre violemment aux gens à ne pas faire confiance aux machines, mais à réfléchir". Après avoir fait des faux bandeaux de pubs et des performances en utilisant des virus "cheval de Troie", ces Français, âgés de 25 à 30 ans, veulent aujourd’hui "faire un geste symbolique et obtenir la reconnaissance du droit à manifester sur Internet par les instances internationales".
Mesures de prudence
Reno Courvoisier affiche cependant une certaine prudence. "Il n’y a aucune action intrusive, nous ne faisons que nous connecter normalement sur le site ciblé. Pour éviter d’être tenus pour seul responsable en cas de poursuite judiciaire, nous demandons aux internautes de télécharger un petit programme (50 Ko), ce qui évite de passer par un site unique." De même, l’opération se veut "non-violente" : pour éviter la fermeture du site cible, la manifestation est répartie entre le FMI, la Banque mondiale et plusieurs autres sites affiliés. Reno Courvoisier se rappelle en effet avoir été victime du succès de l’action contre Occidental Petroleum, en février dernier. L’attaque de cette multinationale pétrolière accusée de décimer la tribu des indiens U’Wa avait entraîné la fermeture de cinq des six serveurs visés. "Notre hébergeur a saisi le site, suite à une plainte de Fidelity, le principal actionnaire d’Occidental Petroleum. Heureusement, ils ont finalement laissé tomber, sûrement parce que nous étions en France. Les dommages étant faibles, voire nuls, le procès leur aurait coûté plus qu’il ne leur aurait rapporté."
"Ceci n’est pas une attaque terroriste"
Être manifestant virtuel n’est pas de tout repos. Depuis la spectaculaire fermeture du site de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) par le collectif anglais Electrohippies lors des événements de Seattle en novembre dernier, les sites "sensibles" ont mis en place quelques mécanismes de protection et sont, semble-t-il, sur leurs gardes. "Il faudrait entre 100 et 300 000 personnes connectées pour que les sites ferment. Cela m’étonnerait beaucoup. Je crois plutôt que nous serons une dizaine de milliers." Reno Courvoisier veut surtout faire passer les messages des militants et a pour cela prévu un système qui les expédie directement sur le serveur du FMI ou de la Banque mondiale : "Notre programme fait des requêtes sur des pages au hasard, même certaines qui n’existent pas. Il suffit d’écrire des messages dans l’adresse, et l’administrateur du site visé les reçoit automatiquement. C’est pour cela que dans FRA, il y a aussi "aléatoire"." Le 27 septembre au matin, le gestionnaire du site du FMI pourra donc lire "Ceci n’est pas une attaque terroriste" ou "Nous ne croyons pas en votre utopie". Reno Courvoisier, qui a fait les Beaux Arts "quelque part en France", aimerait en fait reprendre la démarche de l’école de la disruption artistique américaine. "Les cultural jammers américains comme Adbusters ont montré une autre idée de la publicité et de la consommation, nous voudrions donner une autre lecture de l’information et de la réflexion militante." Réponse dans 24 heures.