Le mot clonage fait peur. Par conséquent, le clonage thérapeutique fait peur. De nombreux chercheurs le considèrent pourtant comme une voie de recherche à ne pas négliger. Le point de vue du Dr Philippe Pouletty, président de France Biotech.
Lionel Jospin et Jacques Chirac sont contre, Bernard Kouchner et Roger- Gérard Schwarzenberg (respectivement ministre de la santé et ministre de la recherche) sont pour. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le clonage thérapeutique suscite bien des polémiques. Opposants et partisans se divisent essentiellement sur deux thèmes. Le premier : l’autorisation du clonage thérapeutique qui ouvrirait la voie au clonage reproductif. Le second : la création d’un embryon « cloné » promis à une destruction certaine. Le clonage thérapeutique consiste en effet à créer un embryon à partir de l’ADN d’un malade. Cet ADN, contenu dans le noyau d’une cellule prélevée sur le patient, est « encapsulé » dans l’ovule d’une femme donneuse. Cultivé in vitro, cet ovule « hybride » donne naissance à un embryon qui est détruit quelques jours (14 selon la loi britannique, par exemple) après avoir atteint le stade de la division cellulaire.
Alors que la loi de bioéthique, présentée jeudi 18 et vendredi 19 janvier à l’Assemblée, interdit cette voie de recherche, de nombreux scientifiques font entendre leur mécontentement. Il bénéficient d’un soutien inattendu : celui d’Henri Emmanuelli, président de la commission des finances, auteur d’un amendement autorisant « de manière encadrée les recherches effectuées à partir de la technique du clonage thérapeutique ». Le Dr Philippe Pouletty, président de France Biotech, (un organisme qui regroupe la majorité des entreprises françaises de biotechnologie) soutient fermement l’amendement d’Henri Emmanuelli. Pour Transfert, il s’explique.
Pourquoi soutenez-vous le clonage thérapeutique ?
Je tiens tout d’abord à rappeler que nous sommes fermement opposés au clonage reproductif. Ce qui n’empêche pas de considérer de manière positive le clonage thérapeutique. Même si les deux pratiques partagent le mot clonage, le clonage thérapeutique a lieu n vitro, contrairement au clonage reproductif. De plus, le clonage thérapeutique s’arrête à un stade précoce du développement embryonnaire : il s’agit d’un ensemble de cellules sans organes, sans ébauche de système nerveux central. Cela ne devrait pas poser de problèmes éthiques fondamentaux. Il faut envisager cette méthode pour produire des cellules souches destinées à guérir des maladies graves. Se fermer des voies de recherche est une erreur.
Que répondez-vous à ceux qui prétendent que cette méthode va créer un trafic d’organes
Il y a trente ans, de grands penseurs s’élevaient contre les transplantations d’organes d’un humain à un autre, prétextant que cette méthode folle allait conduire à des trafics d’organes. Mais depuis, cette technique a bénéficié à 300 000 malades ! Pour éviter la commercialisation des ovocytes, il faut que la loi encadre les dons. Qu’elle ne leur accorde aucune valeur commerciale, au même titre que les dons du sang.
Les spécialistes ne sont pas certains d’atteindre le but du clonage thérapeutique, c’est à dire créer des cellules ou des organes de remplacement pour les malades, sans problème de compatibilité. Doit-on néanmoins poursuivre les recherches ?
On sait que les cellules issues d’embryons surnuméraires (abandonnés par les parents lors procréations assistées, ndlr), dont l’utilisation est autorisée dans le cadre de la loi de bioéthique présentée à l’assemblée, entraînent plus de risques de rejets que des cellules issues d’embryon clonés. Le clonage thérapeutique permet en effet de produire des cellules possédant le même patrimoine génétique que le patient. Mais comme dans toute thérapie nouvelle, il est beaucoup trop tôt pour évaluer le ratio risque/bénéfice. L’état actuel de la recherche permet seulement d’affirmer que c’est une technique prometteuse.