Les fleurons de la création d’images victimes des effets très spéciaux de la concurrence
Le tribunal de commerce entérinait, le 1er avril dernier, le redressement judiciaire du groupe Duran Duboi, l’une des plus prestigieuses sociétés de post-production française, avec à son actif les effets spéciaux d’Alien, d’Astérix et Obélix ou encore du Fabuleux destin d’Amélie Poulain. Duran Duboi rejoint d’autres "grands" comme Mikros, Ex Machina ou Medialab, qui ont connu le même sort ces deux dernières années. Le paysage de la post-production française est en pleine mutation.
Plusieurs facteurs expliquent les difficultés que traverse le secteur : concurrence accrue, délocalisation des activités vers l’Asie ou le Canada, forte augmentation des salaires ou encore baisse du nombre de projets notamment en télévision, où les émissions en direct sont préférées aux téléfilms ou aux plateaux. Dans tous les cas, ce sont les plus grosses structures qui pâtissent le plus de la situation.
Sur-équipements, sous-utilisation
De là à croire que les fleurons de la post-production française n’ont pas su anticiper l’évolution du marché, il n’y a qu’un pas. "Ils se sont fait dépasser", explique Lionel Fages, fondateur de Cube Creative Computer Company et ancien directeur chez Ex Machina, qui souligne "les erreurs de management".
Les grosses structures se sont rendues seules dépendantes d’une économie incapable d’absorber leurs investissements. Elles se sont par exemple suréquipées avec des outils performants mais onéreux (stations de travail Silicon graphics, bancs de compositing Flame...), alors qu’une gamme de logiciels plus accessibles inondait le marché (Combustion, Final Cut Pro...)
Couplée à une baisse considérable des budgets de production (environ - 40 % pour la réalisation d’un téléfilm), l’augmentation des coûts a eu des effets dévastateurs et a notamment conduit les producteurs à s’équiper eux-mêmes. Conséquence : "Le chiffre d’affaires des post-producteurs a chuté et la différence entre producteurs et post-producteurs s’efface", clame Lionel Fages.
"Nous avons tous cru que ces métiers ne vivraient que s’il y avait un regroupement de fonctions", reconnaît l’ancien directeur d’Ex Machina. Une vision à haut risque : Duran Duboi a stoppé après un peu plus d’un an d’activité son laboratoire numérique cinéma Duboicolor, lancé en grande pompe avec Le Pacte des loups.
Des sociétés "historiques", seules passent le cap celles qui se sont très fortement spécialisées, comme Buf Compagnie. En marge, on voit émerger de nombreuses petites structures qui privilégient le savoir-faire créatif à l’investissement technique et n’hésitent plus à s’associer en réseau pour faire naître des projets ambitieux et maîtrisés d’un bout à l’autre de la chaîne, de la production à la réalisation et à la post-production.
Parmi elles, Digital Salade ou Cube Creative Computer Company, la petite société récemment créée par Lionel Fages.