Mardi 31 octobre à 9 heures, un navire italien, transportant 6 000 tonnes de produits toxiques, a sombré au large du Cotentin. Un seul site, associatif, radiophare.net, a réagi rapidement et efficacement. Histoire d’un naufrage raconté par des internautes citoyens.
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C’était le lundi 30 octobre, vers 13 heures, Pascale a appris la nouvelle en se connectant. Un mail sur la liste de diffusion de radiophare.net, site d’information mutualiste sur le littoral atlantique, reprend une dépêche AFP : "
Un chimiquier en détresse au large du Finistère : l’équipage évacué." Pascale a 28 ans. Amoureuse des côtes bretonnes, elle a rejoint le réseau Radiophare juste après le naufrage de l’
Erika. Il y a bientôt un an. "
En lisant cette dépêche, je me suis dit : ça recommence." Mardi matin, à 9 heures, ses craintes se concrétisent : le navire italien
Ievoli Sun sombre au large du Cotentin, emportant dans ses cales 6 000 tonnes de produits chimiques.
Créé en juin 1999, radiophare.net s’est fait une réputation en appelant les internautes à la rescousse pour créer une cartographie de l’avancée de la marée noire de l’Erika. Celle-ci servit ensuite de référence, les pouvoirs publics étant bien plus lents à la détente. "À l’époque, nous avons perdu beaucoup de temps et d’énergie à maîtriser les dossiers, à se connecter aux autres acteurs et même à chercher des informations sans intérêt. Aujourd’hui, nous sommes capables de réagir beaucoup plus vite et plus efficacement", explique Olivier Zablocki, créateur et animateur de radiophare.net. Dès l’annonce des difficultés rencontrées par l’Ievoli Sun, il met en ligne un dossier complet sur la question : dépêches, interventions des membres du réseau et liens.
Questions d’une citoyenne
Sur la liste de diffusion, les internautes se posent la première question : que transportait le navire ? Prof de Français en Picardie, Pascale a le temps des vacances, elle se connecte et commence les recherches. "J’ai appelé le Cedre [Centre de Documentation, de Recherche et d’Expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux] pour qu’on m’explique, à moi, simple citoyenne, la toxicité des produits et comment on allait éviter une catastrophe écologique. J’ai été surprise de l’accueil positif et attentif que j’ai reçu." Une seconde dépêche AFP donne la composition de la cargaison : "Parmi les 6 000 tonnes... 4 000 tonnes de styrene, un produit qualifié "d’insoluble dans l’eau, très toxique et déflagrant", par les autorités maritimes." Les caractéristiques des produits sont mises en ligne sur Radiophare, avec cette précision : "J’ai trouvé que le styrène pouvait créer des péroxydes pas très bons pour la santé et qu’il pouvait être explosif."
Système d’information mutuel
Mardi, à 13 heures, les journaux télévisés s’y mettent et France 2 interviewe des représentants du Sirpa, le service de communication des Armées. Plantée devant son écran, Pascale joue à la secrétaire, note les explications de la Marine nationale et balance tout sur la liste. Notamment ceci : "Les Casquets, à 15 km de la Hague, là où le bateau a coulé ce matin, est un rail de séparation de trafic, partagé en souveraineté entre l’Angleterre et la France ; le bateau a sombré du côté placé sous l’autorité des îles anglo-normandes." Manque une information. Celle diffusée par Greenpeace. À l’AFP, directeur général de l’association Greenpeace, Bruno Rebelle, rappelle que "la fosse des Casquets, est l’endroit où des déchets radioactifs ont été largués par les Britanniques pendant plusieurs dizaines d’années."
Malgré tout, peu de sites ont réagi aussi efficacement que Radiophare. Les Verts ont mis en ligne deux communiqués de presse de Denis Baupin, leur porte-parole. La Marine nationale a bien constitué un dossier, mais il manque des informations. On y retrouve une carte, des photos et les déclarations des préfets maritimes et du ministre des Transports. Rien sur la cargaison, ni sur les moyens mis en œuvre pour éviter un nouveau drame. Côté Cedre, la page actualité ne renseigne que sur l’Erika. "L’année dernière, j’aurais gueulé. Aujourd’hui, je sais qu’ils sont débordés et que ce n’est pas de la mauvaise volonté, raconte un Olivier Zabloski compréhensif. Le but aujourd’hui, c’est qu’on travaille ensemble pour créer un vrai système d’informations mutuel. "
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