"Plus besoin de faire le tour de nombreux sites, on centralise les contenus" [Mike Krus]
Depuis son lancement en 1999, NewsIsFree se veut un grand bazar francophone de la syndication de contenu. On y trouve presque de tout, sous forme de "fils" RSS, ces fichiers dynamiques par lesquels les sites web mettent à disposition un résumé de leur contenu (lire notre article). Parmi les 6500 sites référencés, on trouve beaucoup de sites blogs amateurs mais surtout de nombreux articles émanants de sites d’info professionnels, comme Le Monde ou Libération (ou encore Transfert). Grâce à une technologie qui permet de récupérer le contenu des sites et de les reformater en un résumé au format RSS, Newisfree a bâti un "portail d’actualités" multilingue. Mike Krus, son fondateur, fait partie des vulgarisateurs du RSS, un format de diffusion qui pourrait selon certains remplacer progressivement les newsletters par email. Il explique à Transfert pourquoi il croit à la syndication de contenu.
Comment est né NewsIsFree ?
Mike Krus : Initialement, en 1999, j’en avais marre de faire le tour des sites tous les matins, je voulais mettre ces infos sur une seule page consultable rapidement. Une partie des sites, genre Slashdot, fournissaient des fils RSS. Pour le reste, j’ai construit un outil pour récupérer le contenu de leurs pages web pour les reformater au format RSS. Un tiers des fils RSS proposés sont directement repris de weblogs, et au final, 80 % du trafic du site web correspond au transfert de RSS, pour environ 26 millions d’update par mois. On dispose également de NewsKnowledge, un service d’agrégation pour professionnels.
A votre avis, comment expliquer l’engouement pour les RSS aux Etats-Unis ?
Les RSS se sont popularisés avec les weblogs. Ils vont sans doute se populariser de la même manière en France. Mais en dehors de ces pratiques, l’intérêt d’un RSS réside d’abord dans son confort d’utilisation. On n’a plus besoin de naviguer sur les sites, on centralise tous les contenus dans un logiciel, et ils sont mis à jour en continu. Les agrégateurs de news s’améliorant progressivement, ce sera encore plus facile. Et puis, le RSS contourne le problème du spam.
Justement, pensez-vous comme certains observateurs que les RSS annoncent la fin de l’email ?
L’email, je ne pense pas, mais peut-être les mailing-lists et les newsletters d’information. Maintenant, avec cette technologie qui est mûre, il est tout à fait possible de les convertir en fils RSS. On peut également enrichir ces fichiers par des images. Il y a des chances que les éditeurs de plate-forme d’envoi massif d’emails souffrent de l’essor des RSS, à moins qu’ils s’adaptent à cette forme de diffusion. Ils pourraient par exemple utiliser le fil RSS pour compléter leurs moyens d’acheminer leurs informations.
Comment les professionnels devront-ils s’adapter ?
A part faire payer l’accès au fichier RSS, je ne vois pas beaucoup d’autres modèles économiques possibles. Le RSS permet juste d’élargir l’audience du site, en rameutant les lecteurs intéressés. On assiste à quelques tests, comme inclure des liens publicitaires dans les RSS. Ce qui amène la question du traçage des clics, de la mesure du nombre de pages vues, etc.
Quelle est la différence entre NewsIsFree et un moteur de recherche d’actualités, du style Google News ?
NewsIsFree est une agrégation brute de fonderie. Avec un avantage : on dispose de beaucoup de fils d’info dans d’autres langues que l’anglais. Mais on n’a pas les outils de filtrage des données reçues. Les moyens financiers ne sont absolument pas les mêmes. Des pourparlers sont toutefois entamés notamment avec l’Université de Michigan, qui exploite NewsBlaster, pour des outils d’analyse de contenu.
Les éditeurs tolèrent-ils bien votre activité ?
Oui, il n’y a jamais eu de problèmes. On fait à peu près ce que Google News fait, en diffusant des contenus repris des sites d’information. A priori, si un fournisseur se manifeste et demande que son contenu ne soit pas diffusé, on retire le RSS correspondant. Certains sites sont même contents de voir leur contenu syndiqué, s’ils ne disposent pas de leur propre fil.
Tous les contenus peuvent-ils être inclus dans un fichier RSS ?
Tant qu’ils restent de faible taille ! On ne peut pas y mettre des thèses non plus. Mais toutes les données diverses s’y prêtent, du genre météo, bourse, horoscope, ou la liste des derniers emails reçus. _ Des expériences existent actuellement pour transporter par ce format du contenu plus riche en image, en son, en vidéo. Les agrégateurs prévus à cet effet peuvent ainsi jouer des reportages ou des courts-métrages. Ce sont surtout les contenus dynamiques, rapidement mis à jour, qui sont les plus adaptés.
Le RSS a-t-il des désavantages techniques ?
Oui, d’une certaine façon, pour la bande passante. Le principal inconvénient des RSS est qu’environ toutes les heures, tout le monde vient chercher le même fichier. Qu’il ait été modifié ou pas. Je vois des pics de trafic à intervalle régulier.
Avec la syndication de contenu dynamique, internet ressemblera-t-il un jour à une sorte de grande télévision multi-chaînes ?
Je ne dirais pas cela. Les RSS ne constituent pas une révolution en soi. Ils accélèrent la dilution de la frontière entre l’internet des navigateurs et le reste des applications de l’ordinateur. On pourra avoir du contenu récupéré sur internet mais qui sera dans votre lecteur d’emails, dans votre messagerie instantanée, ou encore dans des sortes de tableaux de bord, un format qui se développe dans les entreprises. Les RSS accélèrent également la convergence plus facile des données entre l’ordinateur, la télévision, les portables. Mais si révolution il y a, elle serait plutôt dans la fusion de tous les médias.