Pipi caca dit le logiciel...
La société israélienne Artificial Intelligence Enterprises a développé un logiciel qui parle comme un enfant de 15 mois. Au fil des mois, son niveau de langage devrait progresser. Jusqu’où ?
Ses parents de la société israélo-américaine Artificial Intelligence Enterprises (Ai) l’ont baptisé HALone, et ne sont pas peu fiers de leur rejeton informatique. En comparant la capacité de communiquer de ce logiciel avec celle d’un enfant de 15 mois, des spécialistes du langage indépendants auraient été - si l’on en croit la société - incapables de distinguer le vrai bébé du bébé simulé. Selon les dirigeants de AI, le logiciel a donc réussi "le test de Turing infantile". Ce test imaginé par le mathématicien anglais Alan Turing est révélateur du niveau "d’intelligence" d’une machine : si, en dialoguant par écrit sans voir son interlocuteur, un homme ne peut pas à distinguer un homme d’une machine, le test est concluant. Les responsables d’Ai ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin : HALtwo, un chatterbot (robot dialogueur) simulant la conversation d’un enfant de 18 mois, est actuellement à l’étude. Et ils comptent, au fil des ans, atteindre le niveau de langage d’un adulte.
À partir de rien
HAL - oui, comme l’ordinateur retors de 2001, l’odyssée de l’espace - se distingue d’autres chatterbots (Eliza, Alice, etc.) par sa conception : il ne réagit pas en repérant des mots clés dans les questions qui lui sont posées, mais il apprend à partir des conversations passées (dans la limite des connaissances actuelles du traitement du langage). Il a donc besoin d’un bon tuteur. Le concept de HAL est l’œuvre de Jason Hutchens, directeur scientifique d’Ai et auteur réputé de nombreux chatterbots. Il a notamment développé MegaHal, un chatterbot qui à l’origine ne connaît rien, si ce n’est les séparateurs entre les mots (espaces, ponctuation), et alimente son vocabulaire en enregistrant ce qu’on lui dit. "Dans certains cas, ça marche très bien", remarque Jean-Baptiste Berthelin, spécialiste du langage (et des chatterbots) au Limsi (Laboratoire d’informatique pour la mécanique et les sciences de l’ingénieur), une unité du CNRS. Selon toute vraisemblance, HALone et ses petits frères sont développés sur le même modèle que MegaHAL. "Jason Hutchens, que j’ai rencontré, est quelqu’un de brillant. C’est un chercheur obsessionnel qui a beaucoup de créativité et d’acharnement au travail", relate Jean-Baptiste Berthelin.
Adieu Windows ?
Mais les rares informations que laisse filtrer AI laisse le chercheur français sur sa faim : "Pour le moment, c’est un peu, comme disait Confucius, le monstre "Hutou Shewei", une tête de tigre et un corps de serpent. Et je ne suis pas certain qu’Alan Turing aurait apprécié le concept de test de Turing infantile." AI compte lancer une première déclinaison de sa technologie d’ici à la fin de l’année : ce sera l’occasion de se faire une idée plus précise de la valeur du logiciel. Mais ses responsables voient plus loin : "Hal est la base d’un futur produit, un agent conversationnel qui remplacera les interfaces graphiques des ordinateurs." Exit les écrans de Windows, Mac OS, Linux et compagnie : voici Hal et sa petite famille. Même si les connaissances actuelles en matière d’intelligence artificielle ne permettent pas d’envisager une telle issue à court terme, on peut toujours espérer... Et si Hal venait à fonctionner vraiment, y aura-t-il des bouquins pour apprendre à bien éduquer son ordinateur ?
Jason Hutchens:
http://www.amristar.com.au/~hutch/
Le site de Jean-Baptiste Berthelin consacré aux chatterbots:
http://m17.limsi.fr/Individu/jbb/
Artificial Intelligence Enterprises:
http://www.a-i.com/