Le Ramadan commence ce lundi et pour des millions de musulmans, s’ouvre une des périodes les plus marquantes de leur pratique religieuse. En France, oumma.com, un site qui prône un Islam tolérant, diffuse pendant ce mois, reportages et interviews. Rencontre avec un de ses instigateurs.
Il a la peau blanche et les yeux clairs. Aucune origine berbère, juste des parents Algériens et, eux aussi, à la peau blanche. Les questions le font doucement sourire. Il explique, mi-pédagogue, mi-ironique. "L’Algérie est un pays de métissage, colonisé pendant un siècle par les Français. Alors, évidemment, tous les Algériens n’ont pas la peau sombre." Lundi, il attendra la nuit tombée pour se restaurer : c’est le premier jour de Ramadan. Pendant ce mois de jeûne et de prières pour les musulmans, le site qu’il a lancé il y a un an, oumma.com, diffuse en partenariat avec une web TV, clicvision.com, reportages, conseils et interviews.
Islam tolérant
Oumma.com est issu de la revue Islam de France. Une revue trimestrielle qui se veut la voix d’un Islam tolérant et ouvert au débat. Le site, qui s’est d’abord appelé allahouakbar.com, s’inscrit dans cette lignée. "Au début, nous avons seulement mis quelques articles en ligne pour suivre le mouvement, mais c’était sans trop de conviction." L’emballement n’arrive qu’après. Avec le nombre de connexions et les possibilités qui s’ouvrent de mettre en ligne des articles et des réactions à l’actualité beaucoup plus régulièrement. De proposer autre chose en ligne. "On prépare, par exemple, avec la revue Panoramiques, un dossier sur L’Islam est-il rebelle à l’esprit critique ? Dans certains pays arabes, on sait que la revue ne pourra être diffusée. Grâce à Internet, elle sera pourtant consultable de presque n’importe où", explique-t-il.
Tête de pont
À 29 ans, il a le parcours d’un intellectuel arabe francophile assumant sans trop de difficultés une double identité culturelle. Son histoire est celle d’aller-retour entre la France et l’Algérie. En douceur et sans déchirure définitive. Ce qui lui fait dire : "Je peux être une bonne tête de pont." Aujourd’hui, il vit à Paris, marié et papa d’un petit garçon. "Il y fait nuit trop vite et le soleil me manque", avoue-t-il. Mais la France est son pays depuis qu’il a trois ans. Depuis que ses parents ont quitté Alger pour le Berry et Vierzon. "Un départ pour des raisons politiques", dit-il sobrement. Lui repart, à 20 ans, étudier au pays. Il s’installe trois ans et demi comme étudiant en lettres à Alger. Jusqu’au début des années 90, jusqu’à la montée du FIS, jusqu’à la peur qui devient trop forte. Insoutenable. "Je me souviens de prêches brutaux et de l’intolérance. On croyait très fort au rêve démocratique et on a vécu de plein fouet la désillusion."
Casser les clichés
La revue Islam de France est née de ces désillusions. D’une envie de prêcher l’ouverture. Un mot qui revient sans cesse dans son discours. À côté de tolérance et de débat. Comme s’il fallait les répéter encore et encore pour que les gens les acceptent. "Sur Internet, on ne trouvait que des sites fondamentalistes, des apologies d’un Islam rigoriste. Il fallait montrer, aussi sur ce média, qu’il y a une autre voie." Le site oumma.com s’ouvre aux contributions d’universitaires et de religieux. Avec une cible bien définie, les classes moyennes, "celle par qui passera l’intégration". Et les autres ? Il a un geste d’énervement et pose avec fermeté : "Ce n’est pas notre rôle." Leur rôle reste celui d’intellectuels réfléchissant et débattant sur des points religieux. Tentant de casser les clichés véhiculés sur l’Islam et de changer le regard sur les musulmans de France.