Le Parlement européen veut laisser chaque ...tat libre de choisir ses règles de protection de l’internaute face au marketing électronique. Les commentaires de Christian Huard, président du groupement d’associations de consommateurs ConsoFrance.
Le 13 novembre dernier, le Parlement européen a adopté le projet de directive de la Commission européenne sur le "traitement des données à caractère personnel et protection de la vie privée dans le cadre des communications électroniques". Non sans l’avoir préalablement amendé. La principale modification concerne les règles du marketing direct électronique. Alors que la Commission se prononçait en faveur de l’opt-in (c’est-à-dire l’interdiction pour les annonceurs d’envoyer des e-mails commerciaux sauf aux personnes l’ayant expressément autorisé), le Parlement penche pour l’opt-out (pour ne plus recevoir de sollicitation commerciale par courrier électronique, le consommateur doit en faire la demande). Christian Huard, secrétaire général de l’ADEIC (association de défense, d’éducation et d’information des consommateurs) et président de ConsoFrance, un groupement d’organisations de consommateurs, réagit à ce revirement pour Transfert.
Quel jugement portez-vous sur le projet de directive dans sa version amendée par le Parlement européen ?
Sur bien des aspects, le Parlement me semble être plus protecteur du consommateur que la Commission. Plusieurs amendements adoptés vont dans le bon sens, c’est-à-dire celui de l’opt-in. D’une part, l’interdiction faite aux sites Internet commerciaux d’utiliser des cookies à l’insu des consommateurs. D’autre part, l’obligation de disposer du consentement préalable d’un individu pour lui transmettre une offre commerciale par SMS ou système d’appel automatisé. Enfin, la directive prévoit de rendre gratuite l’inscription sur liste rouge, ce que nous exigeons depuis longtemps. Ce qui est un peu décevant, c’est que le projet de directive ne mentionne nulle part les sanctions auxquelles s’exposeraient les contrevenants. Reste le problème de la publicité envoyée par courrier électronique. Laisser la liberté à chaque pays de se doter de sa propre législation en la matière est une mauvaise solution. Il va falloir que les organisations de consommateurs se battent séparément, chacune dans leur pays, pour contrer les partisans de l’opt-out. Nous râlons d’autant plus que les mails commerciaux non sollicités coûtent de l’argent à l’internaute, puisque relever ses e-mails a un coût. En vertu de quoi devrait-on payer pour recevoir une publicité que l’on n’a pas demandée ?
Quelle est aujourd’hui la position des autorités françaises par rapport à l’opt-in et à l’opt-out ?
Tant que la Loi sur la société de l’information (LSI) ne sera pas débattue au Parlement, la plus grande incertitude règne. La première mouture de la LSI était, sur ce sujet, trop floue et trop alambiquée. Or, quand la loi bavarde, le droit bafouille. C’est pourquoi les associations de défense des consommateurs plaident pour une loi claire en faveur de l’opt-in. Ce serait d’ailleurs en conformité avec le fonds législatif français, qui stipule qu’on ne peut en aucun cas faire payer ce qui n’a pas été explicitement demandé. C’est un fondement de notre droit des contrats que la jurisprudence de la Cour de cassation a toujours confirmé. Néanmoins, je sais que nous allons devoir nous battre contre les lobbies qui militeront dans le sens contraire.
Recevez-vous beaucoup de plaintes de consommateurs à propos d’abus en marketing direct électronique ?
Pas vraiment, l’essentiel des plaintes relatives à Internet concerne des problèmes de livraisons. En France, le débat sur la protection des données individuelles sur Internet est encore un débat d’initiés. Mais il fait rage aux ...tats-Unis et au Canada, il ne devrait donc pas tarder à arriver chez nous. Il est vrai que nous sommes relativement privilégiés, car la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) existe depuis longtemps et notre législation est plus protectrice que celle de nos voisins.
Le Parlement européen:
http://www.europarl.eu.int/home/def...
La FEDMA (fédération européenne du marketing direct):
http://www.fedma.org
L’association européenne des consommateurs (AEC), dont est membre l’ADEIC:
http://www.consumer-aec.org