Le Conseil d’...tat s’est prononcé favorablement, le 22 novembre dernier, sur la légalité d’un arrêté autorisant la commercialisation de trois variétés de maïs génétiquement modifié. Une décision qui inquiète bon nombre de spécialistes.
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Pourra-t-on encore manger du pop-corn dans dix ans sans risquer de tomber malade ? Pas sûr. En France, le Conseil d’...tat a donné son accord, le 22 novembre, pour que soient à nouveau commercialisés trois variétés de maïs transgénique, interdites à la vente depuis septembre 1998. Pour comprendre les conséquences de cette décision, il faut la replacer dans l’histoire des OGM (organismes génétiquement modifiés) en France. Ces trois variétés de maïs, destinées entre autres à l’alimentation humaine et animale, jouent en effet un rôle important : ce sont les premières à avoir fait l’objet d’une demande d’autorisation de commercialisation, en 1994. Cette demande émanait de la société Novartis Seeds qui produit des semences génétiquement modifiées et qu’elle vend aux agriculteurs.
Quinze variétés autorisées...
En février 1998, après consultation de la Commission de Bruxelles, le gouvernement français donne son accord à la commercialisation des trois variétés produites par Novartis Seeds. L’arrêté autorisant cette commercialisation fait alors l’objet d’un contentieux à la suite de plaintes de Greenpeace, de la Confédération paysanne et de deux associations environnementalistes. Ces organisations, estimant que les risques entraînés par de telles cultures n’ont pas été suffisamment évalués, déposent un recours auprès du Conseil d’...tat. Celui-ci suspend, en septembre 1998, l’autorisation prononcée par le gouvernement. Une décision au caractère unique. Car, depuis, la commercialisation de douze autres variétés a été autorisée par le gouvernement. Et bien que les mêmes associations aient déposé des recours similaires, le Conseil d’...tat n’a pas jugé bon de suspendre leur commercialisation. Depuis la semaine dernière, quinze variétés de maïs génétiquement modifiés peuvent donc être cultivées en France : neuf variétés produites par la société Novartis Seeds et six émanant de la société Monsanto.
...mais peu de cultures en France
En réalité, très peu d’OGM poussent sous nos contrées. En 1998, suite à l’autorisation délivrée à Novartis, 1 500 hectares de maïs transgénique avaient été cultivés en France. En l’an 2000, le chiffre est tombé à 34 hectares. Une goutte d’eau dans l’océan de la production hexagonale de maïs. "Aujourd’hui, face à la pression de l’opinion publique et au refus des industriels de transformer du maïs génétiquement modifié, aucun agriculteur n’accepte d’en cultiver", explique Arnaud Apoteker, chargé des questions de biodiversité à Greenpeace. Même Novartis a indiqué le 22 novembre dernier qu’elle ne commercialiserait pas en France ses variétés de maïs génétiquement modifié. Alors pourquoi s’inquiéter ?
Demain, du maïs 100% OGM ?
Parce que, selon Arnaud Apoteker, il y a de fortes chances pour que le Conseil d’...tat se prononce favorablement sur la légalité des arrêtés concernant les douze autres variétés de maïs génétiquement modifiés. Forts de ce soutien, les industriels pourraient passer outre l’hostilité de l’opinion publique. "Dans l’avenir, les semenciers pourraient remplacer les variétés conventionnelles par des variétés OGM. Je crains qu’on ne trouve plus, d’ici à quelques années, que des variétés transgéniques de maïs à la vente", indique Jean Pierre Berlan, directeur de recherches à l’Inra (Institut National pour la Recherche Agronomique). Un scénario catastrophe redouté par les écologistes, mais aussi par bon nombre de scientifiques, qui dénoncent la méconnaissance générale des risques liés à la culture et à la consommation de ces plantes.
Un bouillon génétique
L’autorisation de mise en vente est pourtant soumise à l’approbation de deux comités. L’un est français : la Commission du génie biomoléculaire compte dix-huit membres (dont onze scientifiques) nommés par les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement. Son rôle : étudier notamment les risques sur la santé humaine, animale et sur l’environnement. À l’échelle européenne, le dossier est ensuite examiné par le Comité de biovigilance, qui surveille les effets sur l’environnement des variétés commercialisées. Or, à l’intérieur même de la Commission du génie biomoléculaire, des voix s’élèvent pour dénoncer les effets néfastes de ce type de plante. C’est le cas de Gilles-Eric Séralini, professeur à l’université de Caen, auteur de OGM, Le Vrai Débat (Dominos, ed. Flammarion). Ce chercheur, qui travaille sur les effets des pesticides sur la reproduction des mammifères et sur le cancer, attaque notamment les trois variétés qui ont poussé sur le territoire français. "Ce maïs, c’est la honte de la science, c’est un brouillon génétique, s’indigne-t-il. Il a été mal fait, mal évalué, et sera mal étiqueté." Il dénonce la rapidité de création, dictée par des exigences commerciales.
Risques d’allergies
En particulier, ce maïs génétiquement modifié comporte trois gènes étrangers provenant d’autres organismes. L’un d’entre eux est un gène de résistance à un antibiotique, l’ampicilline. Or, si ce gène facilite les manipulations génétiques, "il s’avère inutile, puisqu’il n’améliore en rien la qualité de la plante", explique Gilles-Eric Séralini. De plus, aucune étude scientifique sur les risques liés la dissémination de ce gène n’a été effectuée. "En Europe, on meurt de résistance aux antibiotiques, et très peu de mesures sont prises pour enrayer ce phénomène." Un autre gène "ajouté" est un gène de production d’insecticide : ce maïs est en effet résistant à une chenille, la pyrale. Or, les effets à long terme de cet insecticide sur la santé humaine n’ont pas été étudiés, car la commission du Génie biomoléculaire a considéré qu’elle devait donner son avis sur une plante, et non pas sur un insecticide. C’est d’ailleurs l’un des principaux points soulevé par les organisations qui ont contesté les arrêtés concernant la production de mais transgénique. Enfin, selon Gilles-Eric Séralini, la méthode de dosage des OGM n’étant pas homologuée, l’étiquetage ne saurait donner suffisamment d’informations pour ne pas bafouer les risques de santé, notamment d’allergies.
Des consommateurs discrets
Un tel constat n’engendre pas vraiment l’optimisme. Pourtant, à l’heure actuelle, les consommateurs restent discrets. Un comportement qui étonne Pierre Henri Gouyon, professeur à Paris XI, également membre de la Commission du génie biomoléculaire. Lors du colloque sur les OGM organisé par les Verts le 27 novembre dernier à l’Assemblée nationale, le chercheur déclarait : "Je suis étonné de voir que les consommateurs qui s’interrogent sur la possibilité de manger des raviolis au bœuf sans risquer de tomber malade ne demandent pas plus de transparence sur les OGM." Une situation qui pourrait changer si les farines animales, désormais interdites en France, étaient remplacées par du colza transgénique. Du colza génétiquement modifié dont l’importation, autorisée en Europe, est pour l’instant interdite en France. Mais jusqu’à quand ?
Le site de Greenpeace qui donne notamment une liste de produits alimentaires contenant des OGM:
http://www.greenpeace.fr
Monsanto:
http://www.monsanto.com
Syngenta:
http://www.syngenta.com/
Un exposé sur les OGM rédigé par des membres du ministères des Finances:
http://www.finances.gouv.fr/ogm/
Le site d’un groupement de semanciers qui comprend les textes réglementaires:
http://www.ogm.org/default.htm
Des informations sur les OGM publiées par les scientifiques de l’INRA:
http://www.inra.fr/Internet/Directi...
Le site de l’association
Les amis de la terre présente la carte des sites d’expérimentation des OGM:
http://www.amisdelaterre.org/
Des renseignements sur la commission du génie biomoléculaire:
http://www.agriculture.gouv.fr/alim...