Macromedia est devenu quasiment incontournable sur le marché des éditeurs de logiciels de création multimédia. Entretien avec José Vasco, directeur général pour l’Europe du Sud, l’Afrique et le Moyen-Orient.
Plus
de deux cents millions d’utilisateurs du lecteur
Flash dans le monde : ça ressemble à
un standard, non ? L’éditeur de ce très
populaire logiciel d’animation s’appelle
Macromedia. Méconnue du grand public, cette
société californienne a les deux pieds
dans le Web, la tête dans l’e-business
et une cour de développeurs de sites tombés
sous le charme de ses produits. Que demander de plus
? Des actions qui grimpent ? Des bénéfices
qui explosent ? Oui, oui, c’est déjà
le cas, tout va bien, merci. Alors le géant
anticipe "l’Internet partout"
et déploie ses tentacules avec notamment l’acquisition
en 1999 de deux entreprises d’e-marketing et
d’e-commerce (Andromedia et Emmental Software)
et surtout, la signature, le 15 novembre dernier,
d’un accord avec Nokia pour développer
une interface Web conviviale sur les portables...
...tat
des lieux et entretien avec José Vasco, directeur
général de Macromedia
pour l’Europe du Sud, l’Afrique et le Moyen-Orient.

)Transfert
: Vous travaillez sur toute l’Europe
du sud, est-ce que vous pensez qu’il y a de grands
écarts de perception et d’utilisation du Web
selon les pays ?
- Sur l’Italie, l’Espagne et la France c’est à
peu près pareil. Sauf que le tissu industriel
n’est pas le même. Par exemple, en Italie il
y a beaucoup de PME, donc le logiciel Drumbeat, conçu
pour gérer des sites de commerce électronique
de moyenne envergure, marche très bien là-bas.
Moins bien en France... Les pays nordiques (Finlande,
Norvège, Suède) sont un peu à
part. C’est là-bas qu’Internet marche le mieux.
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Cristof / Transfert |
Vous
expliquez ça comment ? On dit souvent que c’est
à cause du climat...
- Oui, c’est une chose, mais surtout les Nordiques
sont culturellement, très innovateurs. Dés
qu’une nouvelle version d’un jeu ou d’un logiciel
sort, il faut absolument qu’ils l’achètent.
Les Italiens ont un peu ce côté aussi.
En France, on est beaucoup plus conservateurs.
Quels sont les points faibles, les régions
où Macromedia ne marche pas ?
- La particularité, c’est le Japon : Director
et Flash s’y vendent très bien. Mais c’est
le seul pays où Golive Cyberstudio d’Adobe
se vend plus que Dreamweaver, sans doute pour des
raisons historiques de traduction. La traduction d’un
logiciel joue énormément sur sa diffusion.
Par exemple, en France, notre logiciel Freehand a
été traduit plus tard qu’Illustrator
(l’équivalent du concurrent Adobe, ndlr), donc
se vend moins. En Allemagne, le même Freehand
marche très bien. La France a connu la plus
forte croissance chez Macromedia Europe pour l’année
1999 parce qu’on a traduit Dreamweaver, Flash et Fireworks
en français.
Macromedia a plutôt une bonne image de marque
sur le Web, un peu jeune, branchée... Quel
est le profil de l’équipe de Macromedia ?
- C’est un peu une société de créateurs
fous : des graphistes, des artistes, des musiciens
et des personnes qui viennent du cinéma. Par
exemple, le directeur marketing des produits Web publishing
est un ancien d’Hollywood et le président de
la division shockwave.com a été vice-président
de Disney...
Mais votre stratégie est aujourd’hui clairement
plus orientée vers l’e-business que vers la
création artistique...
- Il y a un an ou deux, Internet était encore
un jouet. Aujourd’hui l’e-commerce prend une telle
ampleur que le Web devient un vrai business. Et si
on ne veut pas louper le cap, il faut s’y mettre.
Le créateur de Director et président
de Macromedia jusqu’en 1997, Bud Colligan, était
un excellent technicien mais pas forcément
un gestionnaire. Il a donc été remplacé
par Rob Burgess, ancien patron de Silicon Graphics
Canada, qui a fait évolué Macromedia
vers l’Internet et a fait migrer tous les produits
sur le Réseau. L’acquisition de Splash
(devenu Flash), la commercialisation de Dreamweaver
et Fireworks pour les logiciels de création
multimédia ; plus axés entreprise, Générator,
Drumbeat et Andromedia (dernières acquisitions)
nous positionnent vers le commerce électronique,
le marketing. On est passé d’une société
qui vendait uniquement des outils aux développeurs
à une société qui vend aussi
des solutions d’e-business.
C’est quand même un virage stratégique
important... Vous avez séparé l’aspect
créatif de l’aspect business chez Macromedia
?
- Les développeurs de sites Web et CD-Rom représentent
encore 90 % de nos clients. Les solutions business
ne se vendent pas de la même façon. Ce
sont des produits beaucoup plus chers : les deux activités
vont de plus en plus se séparer. C’est inévitable.
Vous avez passé fin 1999 un accord avec
Nokia... De quoi s’agit-il ?
- Nous préparons le futur d’Internet. Personne
ne sait exactement ce que sera Internet dans trois
ou quatre ans, mais on a une idée assez claire
de ce qu’on veut faire : l’objectif est de pouvoir
accéder au Réseau par tous les moyens
de communication à disposition. L’essor incroyable
du téléphone mobile ces dernières
années nous a poussé à conclure
cet accord avec Nokia. L’idée est de concevoir
un langage spécifique au WAP, c’est-à-dire
pour les interfaces entre téléphones
portables et Internet. L’objectif : développer
un langage standard que tous les fabricants de portables
puissent appliquer.
Flash sur le téléphone, vous pensez
que c’est pour quand ?
- Techniquement c’est déjà réalisable
! Flash 4 tourne déjà sur les Palm Pilot
V. Alors, sur un portable : on va dire deux ans, mais
ce sera avant. L’avantage de Flash, c’est son poids
: le dessin vectoriel n’est pas très lourd.
Macromedia sera partout alors ?
- C’est le but. ÊDevenir le standard sur Internet.
J’ai récemment été contacté
par un grand opérateur télécom
européen qui veut installer une interface Flash
sur ses téléphones pour que les gens
aient accès à des opérations
de façon plus conviviale. On peut imaginer
par exemple l’affichage et le défilement
d’un menu de restaurant, avec les photos "cliquables"
des plats, sur l’écran d’un téléphone...
Vous ne craignez pas qu’on puisse vous reprocher
à un moment, comme pour Microsoft, de devenir
un monopole sur le secteur ?
- On est encore petits...
Vous
êtes encore petits, mais tout le monde passe
par Macromedia pour aller sur le Net...
- C’est vrai, c’est une volonté mais c’est
aussi parce qu’aujourd’hui Flash, par exemple, n’a
pas de réel concurrent. Nous sommes les seuls
à fournir (avec Flash) des interfaces attrayantes,
ludiques qui retiennent l’internaute sur votre site.
Or, c’est devenu une priorité : éviter
que l’internaute s’en aille trop vite et
ne revienne pas sur votre site.
Entre 85 et 87 % des internautes ont le plug-in Flash
! Nous estimons la distribution du player Flash à
plus de 200 millions d’utilisateurs. Certains ne savent
même pas qu’ils l’ont parce qu’il est fourni
avec Netscape 4, Internet Explorer 5, MAC OS 8, Windows
98, AOL...
Comment expliquez-vous qu’il n’y ait pas de réel
concurrent pour Flash alors que tout le monde sait
que c’est en train d’exploser ?
- Adobe
est en train de sortir son "Flash killer"
: Adobe Live Motion. C’est bien aussi qu’il y ait
de la concurrence.
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Cristof / Transfert
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Mais pourquoi vos concurrents n’ont-ils pas
réagi avant ? Vous en êtes déjà
à la version 4 de Flash...
- Oui c’est surprenant. Ce qui m’étonne surtout
c’est que Microsoft n’ait pas réagi. Ils avaient
lancé Liquid Motion, mais ce logiciel n’a pas
fonctionné. Pourquoi nos concurrents n’ont
rien fait ? Peut-être n’ont-ils pas perçu
ce qui se passait. Flash est un excellent produit.
Le nom est facile à retenir, traduisible partout.
Pour nous aujourd’hui les téléchargements
sont exponentiels.... Même si un concurrent
arrive, ce qui est le cas avec Adobe, on a quand même
pris pas mal d’avance.
Comment voyez-vous le développement futur
d’Internet ?
- Nous voulons que le Web soit partout. Sur les portables,
à la maison, sur le four à micro-ondes,
la machine à laver. Donc il faut des logiciels
légers, petits, comme Flash...
Mais pour les pays pauvres, acheter une machine
à laver ou un portable qui intègre une
interface Web...
- Je suis allé en Estonie peu de temps après
la chute du mur. Il fallait 6 mois pour obtenir un
téléphone filaire et 3 heures pour se
procurer un portable. Les gens avaient donc des portables
et pas de téléphone chez eux. Les pays
d’Afrique ou la Chine vont directement passer au téléphone
cellulaire.
Et vous personnellement, à quoi ressemble
votre Internet de rêve ?
- Partout !
Internet partout ou Macromedia partout ?
- Non, non, Internet partout. J’ai le réflexe
Internet. L’autre jour une amie m’appelle pour m’inviter
à une soirée, elle cherchait les partitions
des Filles du Bord de Mer d’Adamo pour le jouer à
l’accordéon. Je suis allé sur Internet
: j’ai tapé Adamo sur yahoo.fr, et j’ai trouvé
tout un tas de trucs et notamment un site qui proposait
le texte de la chanson et la musique au format MIDI.
Je l’ai téléchargé, j’ai imprimé
la partition et je l’ai amené à mon
amie le lendemain. C’est un exemple tout bête
de ce qu’on peut faire avec Internet. Moi j’ai le
réflexe Internet dès qu’on me demande
un truc. Avant c’était le minitel...
C’était une partition officielle ?
- Non, non, c’était le fichier MIDI. Il se
trouve que j’ai un logiciel MIDI qui me permet d’imprimer
la partition ensuite. Là on rentre dans un
autre débat, celui de la légalité
des fichiers MP3... Je trouve cela normal que l’on
paye pour télécharger du MP3.
Les signets de José Vasco
- Sytadin
: donne quasiment en temps réel l’état
de la circulation autour de Paris. Je l’utilise beaucoup.
- Beaucoup de sites de musique : je cherche surtout
du MIDI pour avoir des idées. Je ne me suis
pas mis au MP3.
- Amazon
pour voir les nouveaux bouquins qui sont sortis aux
Etats-Unis.
- Un site avec des dictionnaires : Babylon.
Très pratique parce que je voyage beaucoup
en Europe.
- Les
...chos, La
Tribune