Jean-Dominique Reffait, militant PS, vient de passer en revue les sites des candidats aux municipales. Pour s’apercevoir qu’ils n’avaient aucune stratégie internet. Interview.
Julie Krassovsky |
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68 sites de campagne de la gauche plurielle s’affichent sur Internet. Parmi eux les grandes villes sont peu représentées, excepté Paris. Mal référencés, les sites des candidats sont souvent absents des moteurs de recherche. Les ministres ne montrent pas l’exemple puisque aucun site de candidat-ministre n’est à ce jour connu..." Le constat est un peu rude mais clairvoyant. Il n’émane pas du parti socialiste mais de sa "
cellule virtuelle", qui dresse un panorama de la stratégie politique sur Internet des candidats aux municipales. Et justement il n’y en pas de stratégie. C’est bien ce que constate Jean-Dominique Reffait, l’auteur de ce tour d’horizon non exhaustif des politiques en campagne sur le Net. Militant, encarté PS de longue date, Jean-Dominique Reffait connaît son sujet. Directeur d’une agence web spécialisée dans la communication politique, membre de la section "Temps-réels" du PS, du groupe sur les nouvelles technologies de son parti, de l’Isoc France, il anime aussi depuis 1998
son site de la gauche plurielle. Une passerelle sur la Net politique, qui lui permet d’observer du coin de l’œil les débuts timides des élus socialistes dans le vaste réseau interplanétaire. Commentaires.
Que vous inspire la revue de sites politiques que vous avez effectuée ?
En premier lieu, il n’y a aucune forme de cohérence entre les sites de la gauche. Par exemple les sites qui pourraient être les plus porteurs, les sites des grandes villes en l’occurrence, sont assez méprisants à l’égard des communes avoisinantes. Ils ne renvoient jamais sur les sites des municipalités avec lesquelles, ils sont en contact pour la campagne. Ce qui paraît assez contradictoire quand tous les candidats valorisent le thème de l’intercommunalité, très en vogue en ce moment. Et qui a pour but de généraliser les procédures de travail en commun. Par tradition, les gros candidats estiment qu’ils n’ont pas à participer aux réunions de coordination, il est donc logique que sur Internet, ils réagissent de la même façon. Mais bientôt ils comprendront que s’il n’est pas possible pour un élu régional de citer par exemple le programme des autres listes de sa formation sur papier, sur Internet c’est possible et facile à mettre en ligne.
Tous les candidats montent leur site de campagne dans leur coin, n’y aurait-il pas besoin d’une initiative de la fédération nationale du parti ?
Dans le contexte actuel, il y a un tas de gens, de militants, qui entourent les candidats et qui sont branchés Internet. C’est généralement eux qui initient la création d’un site de campagne et pas les élus. Ce qu’il faudrait - c’est d’ailleurs ce que Temps-réels propose -, c’est un regroupement des webmestres politiques sur une liste de diffusion. Beaucoup se connaissent déjà, mais il manque un cadre pour coordonner les actions, élaborer par exemple un code de bonne conduite des uns vis-à-vis des autres. ...tablir une base de données communes de liens, un annuaire des sites de la gauche qui serait présent sur tous les sites des candidats. C’est comme cela que l’on pense travailler maintenant.
Cette organisation aurait pu précéder la campagne municipale : n’est-il pas un peu tard maintenant ?
Nous avons essayé d’organiser un réseau de sites avant la campagne. Dès l’été, nous avons contacté les fédérations, envoyé des e-mails un peu partout, sans réponse. Il y a une explication à ce silence. D’abord, les candidats débutent leur campagne souvent très tard. Ensuite Internet n’est pas un support important aux yeux des politiques. Enfin pour certains, les initiatives sont venus de militants intéressés au Réseau. Les responsables politiques ont besoin qu’on leur force un peu la main. Lors des élections européennes par exemple, le parti socialiste avait décidé de faire un petit site de présentation. De notre côté nous avons monté le site France-elections, qui a généré plus de trafic. Les responsables du PS, un peu bousculés, nous ont contactés et proposé d’associer nos efforts. Par la suite, nous avons monté le site des universités d’été. Leurs organisateurs ont remarqué le peu de fréquentation de cette rencontre annuelle, le site était un moyen de toucher les militants. Comme beaucoup ne se déplacent plus, c’est ça la grande force du Web en politique.
Quand les candidats parlent d’Internet, ils rappellent toujours l’importance d’une campagne traditionnelle. Quel est le sens de cette justification ?
Effectivement les candidats hésitent à trop parler de l’Internet. Le sentiment que donnerait un élu trop porté sur l’Internet ce serait d’apparaître comme un candidat virtuel aux yeux des électeurs. Cependant, certains ont déjà compris l’enjeu que d’ Internet en terme de communication politique. D’autres s’en servent comme d’un outil de promotion provisoire. Dans l’ensemble, nous n’en sommes pas encore à l’idée que c’est essentiel.