Pouvoirs publics et constructeurs misent sur cette source d’énergie propre, mais chère
Alors que les Etats-Unis et le Japon ont débloqué d’importants moyens pour la recherche sur les moteurs à hydrogène, garantis sans émissions de gaz à effet de serre, la France tente, elle aussi, de se faire une place honorable dans ce secteur. Cette source d’énergie suscite l’intérêt du gouvernement et celui des constructeurs automobiles français qui, depuis deux ans, y consacrent - à nouveau - d’importants moyens financiers et humains.
"Je crois que l’eau sera un jour employée comme combustible, que l’hydrogène et l’oxygène qui la constituent (...) fourniront une source de chaleur et de lumière inépuisables..." Cette formule de Cyrus Smith, héros de Jules Verne dans L’Ile mystérieuse, a été reprise par Claudie Haigneré, ministre de la Recherche et des Nouvelles technologies lors de la première Conférence européenne de l’hydrogène énergie, le 1er septembre dernier à Grenoble.
L’anecdote illustre l’intérêt de la France pour cette source d’énergie, basée sur l’exploitaion d’un gaz considéré comme propre et particulièrement intéressant dans le cadre des transports.
Mais la France ne fait que suivre l’intérêt croissant que portent les Etats-Unis et le Japon envers l’hydrogène.
Ainsi, les Etats-Unis ont lancé cette année le programme "Freedom car", doté de 150 millions d’euros par an. Ils comptent ainsi s’aligner sur le niveau des Japonais : ceux-ci financent à hauteur de 2,4 milliards d’euros un plan de développement de l’hydrogène, démarré en 1993 et qui doit se poursuivre jusqu’en 2020.
Remise à niveau
L’Union européenne s’est quant à elle armée d’un Conseil consultatif de haut niveau pour définir la marche à suivre. Le sixième programme cadre augmente nettement les crédits alloués à la recherche sur l’hydrogène et la pile à combustible (elle produit, à partir de l’hydrogène, l’électricité qui fait fonctionner le moteur d’une auto ; une méthode moins polluante et au meilleur rendement que le moteur à combustion).
"On peut estimer à 60 millions d’euros par an la somme consacrée par l’Europe à la recherche. Une moitié vient de la Commission, l’autre des Etats membres", explique Daniel Clément, expert à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) et animateur du de réseau de veille PACo sur les piles à combustible.
Lancé en France en 1999 par le comité interministériel sur la recherche, ce réseau fédère les acteurs de recherche-développement du secteur. Son budget : 10 millions d’euros par an.
Avant cette date, deux constructeurs automobiles français s’intéressaient déjà à l’hydrogène. Dans les années 90, Renault et PSA ont participé à plusieurs programmes de recherche français ou européens. Ils ont même conçu des prototypes, dont la H2O de Peugeot, par exemple.
Mais ces efforts étaient sans commune mesure avec ceux de leurs concurrents étrangers : à la même époque, un constructeur comme Daimler-Chrysler développait la série Necar, une gamme entière de véhicules roulant à l’hydrogène.
Le réseau PACo devait permettre une "remise à niveau" des Français.
"Sa création correspond à une demande des constructeurs automobiles, poursuit Daniel Clément. Renault ou Peugeot voyaient leurs concurrents américains et japonais s’engager dans la voie hydrogène mais ils appréhendaient de les suivre. Les risques sont importants, les possibilités de commercialisation lointaines..."
Depuis son alliance avec Nissan, Renault s’est engagé plus avant dans l’hydrogène.
En 2001, le groupe a annoncé un plan de développement de la pile à combustible, assorti d’une enveloppe confortable : 85 milliards de yen (778 millions d’euros). Pressé par la concurrence de Toyota et de Honda, alléché par les programmes du gouvernement nippon, Nissan ne peut rater le coche de l’hydrogène. Il a sorti l’an dernier un premier modèle, qui devrait être fin prêt en 2005.
Question hautement sensible
De son côté, PSA a noué en 2001 un partenariat privilégié avec... le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), qui menait alors depuis dix ans des recherches sur la pile à combustible.
"200 chercheurs travaillent chez nous sur la filière hydrogène", affirme Françoise Barbier, représentante du CEA au sein du réseau PaCo.
Air Liquide est également associé aux deux industriels, notamment sur les questions de stockage du gaz.
Pour expérimenter ses piles à combustible, Peugeot bénéficie à Belfort de la Rolls des plates-formes de tests : le Centre national de recherche technologiques (CNRT). Inauguré l’an dernier dans les murs de l’université de Belfort-Montbeliard, il a fait l’objet d’un investissement de 6 millions d’euros en 1999. C’est d’ailleurs un ancien de chez Peugeot, Jean-Pierre Schwartz, qui est chef du projet pile à combustible au CNRT.
Dans ce laboratoire public, les entreprises peuvent travailler "en toute confidentialité", selon les termes de Françoise Barbier, qui ne connaît qu’un équivalent de ce CNRT au monde, à Vancouver. Confidentialité ou communication sont des armes maîtresses pour les constructeurs sur une question hautement sensible comme celle de l’hydrogène.
Une bonne raison à cela : la rentabilité n’est pas assurée. Aujourd’hui, le kilowatt produit par une pile à combustible coûte 20000 euros, contre 50 euros par une voiture ordinaire.
"Le coût, l’encombrement et la masse de la pile à combustible doivent être encore divisés par 5 pour être intégrés à l’automobile", juge PSA dans un communiqué de presse. Un problème qui tempère l’enthousiasme des responsables du groupe sur l’apparition des voitures équipées de piles qui, selon ce même communiqué, ne feraient l’objet "d’une introduction progressive qu’après 2010". Patience...