Bruxelles enquête sur les pratiques d’étouffement de la concurrence de Microsoft. La guerre des navigateurs est supplantée par celle des lecteurs audio-vidéo.
Alors que Microsoft est à peu près sauvé du démembrement après l’annulation du verdict du juge Thomas Penfield Jackson aux Etats-Unis, sa pratique du bundling continue. Le bundling, c’est-à-dire ici le fait de lier un logiciel applicatif au système d’exploitation maison, de manière à conquérir des marchés nouveaux. Hier, Microsoft imposait ainsi son navigateur, Internet Explorer. Maintenant, il s’agit de son lecteur audio-vidéo, Windows Media Player. Il est inclus dans chaque livraison de Windows 2000.
La Commission européenne vient de communiquer ses griefs à Microsoft à ce sujet, et à propos de l’étouffement de la concurrence dans le domaine des serveurs bas de gamme. Cette démarche appelle une réponse de Microsoft sous deux mois. C’est l’étape de l’enquête approfondie, après celle de l’enquête préliminaire, lancée l’an dernier à la suite d’une plainte de Sun Microsystems. Sun est le principal concurrent de Microsoft sur le marché des serveurs bas de gamme, qui sont des terminaux peu chers, fonctionnant dans les réseaux d’entreprise.
Serveurs bas de gamme
Voici le grief formulé à Bruxelles, selon le communiqué de presse officiel : " La Commission pense que Microsoft a caché aux distributeurs des informations essentielles relatives à l’interopérabilité avec d’autres logiciels pour serveurs, alors que les concurrents ont besoin de ces informations pour que leurs produits puissent communiquer avec les ordinateurs personnels et les logiciels pour serveurs de Microsoft, qui dominent le marché. " Par conséquent, si un serveur bas de gamme dans un réseau d’ordinateurs personnels ne tourne pas sous Windows 2000 comme les autres machines, il est difficile de lancer une impression sur l’imprimante partagée. Seule solution : équiper toutes les machines de licences Windows 2000. Microsoft s’est ainsi arrogé 60 % du marché des serveurs bas de gamme.
Microsoft durcit sa stratégie audio-vidéo
Deuxième grief, l’intégration du lecteur audio-vidéo à Windows 2000 : " Microsoft prive tant les fabricants d’ordinateurs personnels que les utilisateurs finaux de toute possibilité de choisir réellement les produits qu’ils souhaitent avoir sur leurs ordinateurs, d’autant qu’il n’existe pas de moyens techniques tout prêts, capables d’enlever ou de désinstaller le "Media Player". " La Commission européenne surveille de près les évolutions du marché de la musique en ligne, notamment la constitution des alliances MusicNet et Pressplay. Dans ce contexte, elle ne pouvait ignorer la guerre qui oppose RealNetworks, société Internet apparue en 1995, dont le Realplayer domine encore le marché, et Microsoft. La première joue au chat et à la souris avec la deuxième depuis quelques années, afin d’éviter un choc frontal avec le géant du logiciel. Mais la stratégie de Microsoft se durcit. Selon Amelia Torres, porte-parole de la Commission, il n’y a pas eu de plaintes de la part des concurrents de Windows Media Player : " Nous avons reçu des commentaires, mais pour des raisons de confidentialité nous ne dévoilons pas leurs auteurs. " Rob Glaser, le PDG de RealNetworks, se serait-il exprimé ?
Lutte des OS
Selon un juriste interrogé par le New York Times, les deux problématiques, serveurs bas de gamme et Media Player, sont liées : " Pour que Media Player fonctionne convenablement sur votre PC, il faudra que le serveur (bas de gamme NDLR) auquel vous êtes connecté comporte Media Player dans son système d’exploitation. " Autrement dit, il faudra que tous les postes du réseau possèdent une licence Windows 2000 – on en revient au grief de départ.
Rien de neuf sous le soleil, donc, Microsoft pousse en avant son système d’exploitation. La dernière version, Windows XP, doit sortir le 25 octobre... mais aucune enquête n’a encore été lancée par la Commission à ce sujet. Selon Amelia Torres, " La question de savoir si une enquête peut commencer avant la commercialisation du produit n’est pas tranchée. De toute façon, nous surveillons les évolutions du marché. " Le problème avec la régulation de la concurrence, c’est qu’une fois le concurrent éliminé par le monopole, on ne peut plus faire grand chose pour l’aider...