L’Union des étudiants juifs de France a demandé au tribunal de grande instance de Nanterre de prendre de lourdes mesures contre la société Multimania pour avoir hébergé un site nazi.
"Je
reproche à Multimania davoir fait preuve
de négligence dans la détection du site
nazi et de navoir pas mis en uvre les
moyens nécessaires pour éviter son existence".
Le 19 avril, devant le tribunal de grande instance
de Nanterre, Hauts-de-Seine, Stéphane Lilti,
lavocat de lUnion des étudiants
juifs de France (UEJF), a résumé ainsi
largumentation principale de son client. Lorigine
de la plainte remonte au 17 février dernier
: ce jour-là, lUEJF demande à
Multimania de supprimer un site nazi baptisé
"Nsdap" (Nationalsozialistische Deutsche
Arbeiterpartei, nom allemand du parti nazi). Le site
est alors fermé par lhébergeur
avant dêtre de nouveau mis en ligne par
son auteur pendant quelques heures. Finalement, le
18 février, il disparaît définitivement
et lUEJF décide dassigner Multimania
en justice pour négligence (voir articles de
Transfert : Multimania
assigné en justice et Chasse
au site nazi sur Multimania). Une plainte contre
X a par ailleurs été déposée
par lUEJF à Paris pour "incitation
à la haine raciale, apologie de crimes contre
lhumanité et appels aux meurtres".
Mais le 7 mars, lidentité de lauteur
(enregistré sous un faux nom) est finalement
communiquée par lhébergeur, suite
à une recherche auprès du fournisseur
daccès Infonie. Lauteur du site
en question est un adolescent de 16 ans qui aurait
créé ces pages sur lordinateur
de papa. Le parquet de Paris a ouvert une enquête
afin de déterminer lidentité de
lauteur (le père, le fils, la mère
?) et de décider des poursuites à engager.
En attendant, une audience civile a accueilli mercredi
les plaidoiries passionnées des avocats des
deux parties, Stéphane Lilti et Valérie
Sédallian. En voici les grandes lignes :
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©Julie
Krassovski/Transfert
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Stéphane
Liliti (voir photo) demande au juge de retenir la
responsabilité de Multimania en se fondant
sur larticle 1383 du droit commun. Multimania
serait responsable davoir hébergé
un site illicite facilement détectable, davoir
contracté avec un individu dont elle ne sest
pas assuré de lidentité et de
navoir pas mis tous les moyens en uvre
pour supprimer ce site. En conséquence, lUEJF
demande :
- 1 franc de dommages et intérêts à
Multimania pour avoir tardé à retirer
le site du Réseau ;
- l’obligation pour l’hébergeur d’une publication
judiciaire dans ses pages ;
- l’engagement par Multimania de ne pas héberger
de nouveau le site sous peine dune condamnation
sous astreinte ;
- la modification de la procédure dinscription
(aujourd’hui essentiellement déclarative comme
chez tous les hébergeurs) en utilisant par
exemple un annuaire inversé. Autrement dit,
de vérifier lidentité des auteurs
de site. Ce point fait déjà lobjet
dun sous-amendement controversé dans
la loi sur les hébergeurs votée le 22
mars dernier à lAssemblée (voir
article de Transfert : La
fin du Web anonyme ?)
Défendant Multimania, Valérie Sédallian
a mis en avant l’impossibilité technique
de vérifier le contenu de tous les sites même
par l‘utilisation de mots-clés pertinents
(d’ailleurs déjà utilisés).
Elle s’est élevée contre l’épée
de Damoclès que représenterait une possible
condamnation sous astreinte de Multimania en cas de
réouverture du site. L’avocate a également
déclaré qu’il n’existait pas
de lien de causalité entre la faute et le préjudice
subi. Rien ne prouve selon elle, que l’existence
du site aurait pu être empêché
grâce à un contrôle a priori.
Reste maintenant à savoir si la juridiction
civile devant laquelle comparaissaient les deux parties
peut prendre de telles mesures alors même quune
loi sur la responsabilité des hébergeurs
vient dêtre votée. Malgré
linterdiction faite au tribunal de prendre des
arrêts de règlement, Stéphane
Lilti a clairement suggéré au juge de
"prévenir des dommages imminents".
De son côté, Valérie Sédallian
a rappelé que la mise en place dune procédure
de vérification de lidentité des
auteurs de contenu appartenait au législateur.
Suspens donc jusquau 24 mai prochain, date du
délibéré.