Cette autre disposition, pourtant très contestée, devrait être conservée.
Hormis l’identification des auteurs de sites, l’autre mesure contestée de l’amendement Bloche - version 2 - vise plus directement les hébergeurs. Elle précise que les prestataires techniques pourront être tenus pour responsables s’ils n’ont pas procédé aux "diligences appropriées", après mise en demeure d’un tiers estimant qu’un site lui porte préjudice.
En fait, le principal inconvénient de cette notion, c’est son ambiguïté. Et ce qu’elle risque de provoquer : des hébergeurs fermant des sites dès la première plainte. Patrick Bloche affirme qu’il n’en sera rien. "Selon moi, les diligences appropriées, ce sont les pratiques du métier, explique-t-il. L’hébergeur se doit simplement de contacter l’auteur du site et de l’informer de la plainte dont il fait l’objet. Il fermera un site si un juge le lui demande, conformément au texte." En fait, la loi ne peut être si précise. Et rien ne dit explicitement dans l’amendement que l’hebergeur ne fermera un site que sous l’injonction d’un magistrat.
D’ailleurs, une telle précision semble juridiquement impossible. Valérie Sédallian, avocate de Multimania dans l’affaire UEJF, pourtant très réticente à l’égard de ces "diligences", reconnaît que ne pas les prendre en compte aboutirait à créer un régime dérogatoire au droit commun. Selon le code pénal, tout personne ayant moyen d’intervenir sur des textes ou images manifestement illicites se doit d’interrompre sa diffusion. Une notion que l’on retrouve appliquée aux hébergeurs dans la directive européenne sur le commerce électronique.
Des acteurs de tailles inégales
Le problème est donc de savoir ce qu’est un contenu manifestement illicite. "C’est la jurisprudence qui le précise", répond Valérie Sedallian. L’hébergeur devra-t-il donc se munir d’un dictionnaire du droit pour savoir quoi faire ? "Pour moi, ces diligences appropriées correspondent à l’idée d’une réaction graduée", se défend Patrick Bloche, qui cherche à placer son texte dans le concept global de co-régulation défendue par Jospin. Et en cas de fermeture abusive d’un site ? "L’auteur du site pourra se retourner contre l’hebergeur au nom du non-respect de son contrat", répond le député. Même s’il reconnaît que les acteurs ne sont pas forcément de taille égale. "Si les hébergeurs ferment des sites abusivement, ils n’auront plus de clients", estime-t-on dans l’entourage de Catherine Tasca. Rien n’est moins sûr.
Pour Valérie Sédallian, le flou dans lequel les diligences appropriées maintiennent les hébergeurs risquent de leur coûter cher en honoraires d’avocat. En d’autres termes, les services d’hébergement auront intérêt à être de grosses entreprises commerciales. Serait-ce la fin du Web indépendant ?