Sous la pression de la RIAA, le puissant lobby de l’industrie musicale américaine, certains sites de MP3 ont accepté de négocier avec les majors. Mais un site a décidé de réagir en traînant la RIAA devant la justice...
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La RIAA (Recording Industry Association Of America) qui défend les intérêts de Sony, Warner ou encore Universal contrôle plus de 90 % des disques vendus sur le sol américain. Un chiffre qui donne le vertige et qui explique, en partie, les habitudes procédurières du poids lourd de l’industrie du disque en matière de musique numérique. Dernier épisode en date de cette bataille juridique : la semaine dernière, le site MP3.com a passé un accord - suite à sa condamnation en mai pour violation des droits d’auteur - avec Warner et BMG, deux géants de la RIAA. L’addition est salée et s’élèverait à 20 millions de dollars à verser aux deux labels, selon
The Standard, pour acquérir le seul droit de diffuser la zique des deux majors, via les services d’archives numériques de CDs du site MP3.com. Plus inquiétant pour l’internaute : l’accord de licence devrait prévoir des redevances pour la diffusion en streaming de chaque morceau sur son ordi, son PDA, son mobile ou tout autre hybride branché sur le Net. À l’occasion d’une conférence sur l’industrie du streaming mardi à New-York, Michael Robertson, le patron de MP3.com, a critiqué la stratégie des majors sur le Net : "
Sur Internet les gens ne paient pas des choses à deux dollars." Reste encore pour MP3.com à trouver un accord avec trois autres labels de la RIAA, dont Sony... Mais l’important demeure : MP3.com survit et continue à diffuser de la musique...
Les liens en danger
Dans ce contexte, un site a décidé de réagir plus fortement. Son point de vue : la meilleure défense c’est souvent l’attaque. Et la RIAA n’en revient toujours pas : un site américain, MP3Board, consacré à la recherche de musique sur la toile a déposé, vendredi 02 juin, une plainte contre la toute-puissante association. L’enjeu pour MP3Board (et pour le net) est primordial : conserver le droit d’établir des liens vers des sites contenant du MP3 sans pour cela s’exposer aux poursuites judiciaires des labels. La compagnie californienne MP3Board Inc demande en effet au juge de la cour du district de San José de se prononcer sur son irresponsabilité en matière de violation de droits d’auteurs si celle-ci résulte d’une recherche automatique de fichiers MP3. En clair, si le moteur de recherche du site livre des liens contenant de la musique piratée, la société souhaite demeurer à l’abri de poursuites judiciaires.
Pressions en tout genre
Depuis la fin de l’année 1999, la RIIA s’était plainte, par le biais de nombreuse lettres, au responsable de MP3Board de cette pratique de liens. Le 25 mai dernier, la pression montait d’un cran et la RIIA sommait le PDG de MP3Board, Lars Mapstead, d’éliminer sur son site tous les liens pointant vers de la musique piratée avant le 2 juin. Passé ce délai, la RIIA avait menacé de poursuivre le site devant la justice américaine. MP3Board a réagi... En dégainant le premier et en attaquant la RIIAA. Entre les deux parties qui se retrouveront devant les tribunaux américains, la querelle n’est pas nouvelle et la RIAA avait même réussi à rayer provisoirement de la Toile le site MP3board. À deux reprises les fournisseurs d’accès (AboveNet puis Metromedia) de MP3Board ont bloqué l’accès au site, sous la pression de la RIAA. À ce titre, la petite société basée à Santa Cruz qui compte une vingtaine d’employés réclame des dommages et intérêts au lobby américain du disque pour la gêne occasionnée par ces interruptions de service...
"Un lien ne constitue pas une copie"
Ira. P. Rothken est l’avocat de MP3Board. Il clarifie la démarche de son client.
Pourquoi avoir décidé d’attaquer en justice la RIIA ?
Nous voulions régler cette situation en demandant au juge de se prononcer sur la question des liens en matière de violation des droits d’auteur. Pour nous, il est clair qu’un lien sur un morceau ne constitue pas une copie... Le Digital Millenium Copyright Act (la loi américaine qui régit les droits d’auteur sur le Web) comporte des dispositions particulières pour les moteurs de recherche et les fournisseurs d’accès. Le texte protège notamment les intermédiaires de toute responsabilité. Une décision récente de justice, dans l’affaire TicketMaster à Los Angeles, a estimé qu’un lien ne constituait pas une copie...
Quels sont les enjeux de ce procès ?
L’enjeu est fondamental. Si le tribunal de San José se prononce en faveur de la position défendue par la RIAA, les implications seront nombreuses. Ce serait un pas en arrière majeur pour Internet. Imaginez, des moteurs de recherche comme Lycos ou Altavista, par exemple, seraient en infraction. Lorsqu’on lance une requête concernant Madonna sur ses sites, le moteur de recherche automatique propose des liens contenant des fichiers MP3... Aujourd’hui, la RIAA considère qu’un lien représente une infraction mais demain elle utilisera un système tel que l’a développé MP3Board pour vendre ses produits sur le Net. À l’image de l’industrie du cinéma, qui dans les années 70 souhaitait la mort des cassettes VCR d’enregistrement vidéo. Désormais cette même industrie tire des revenus de cette technologie.
Que pensez-vous de l’accord entre MP3.com et deux majors américaines de l’édition musicale ( BMG et Warner) ?
C’est un cas totalement différent de celui de MP3board, car MP3.com propose des services de copie et de stockage de musiques sur le Web. Et l’industrie du disque est à la recherche de solutions technologiques innovantes pour distribuer ses produits. L’affaire MP3Board concerne plus le problème de la liberté d’expression sur Internet. D’ailleurs, le site MP3Board.com n’a aucun contrôle éditorial sur le contenu du site puisqu’une partie de celui-ci émane de liens postés par des internautes du monde entier...