Des défenseurs de l’environnement manifestent leur mécontentement face à la loi sur l’eau, qui taxe divers responsables de pollution des eaux, mais oublie les rejets radioactifs.
"Les redevances pour pollution de l’eau sont dues par toute personne publique ou privée dont les installations, activités ou travaux sont à l’origine d’un déversement, écoulement, rejet, [...] susceptible de provoquer ou d’accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques ou biologiques, qu’il s’agisse d’eaux superficielles, souterraines ou d’eau de la mer dans les limites territoriales." Cet extrait de la nouvelle loi sur l’eau, présentée par Dominique Voynet en Conseil des ministres le 27 juin dernier, décrit l’un de ses principaux fondements : le principe du "pollueur payeur". Un principe qui consiste à taxer tous ceux qui contribuent à la pollution de l’eau. Or, cette mesure ne satisfait pas l’ensemble des défenseurs de l’environnement français. Certains, comme les membres de l’ACRO (l’Association pour le contrôle de la radioactivité de l’ouest), considèrent en effet que la loi, qui vise notamment les éleveurs, oublie un pollueur de taille : l’industrie nucléaire. Située dans le Calvados, cette association, qui réalise de nombreuses études consacrée à la pollution radioactive, collabore notamment avec l’Agence de l’eau Seine-Normandie. Sous tutelle du ministère de l’Environnement, les Agences de l’eau, en partie financées par les redevances des "pollueurs", sont chargées de trouver des solutions à la réduction des déchets.
3 questions à David Boilley, physicien nucléaire à l’université de Caen, membre de l’ACRO.
Que reprochez vous à la loi sur l’eau ?
Nous sommes d’accord sur le principe, mais nous lui reprochons d’ignorer les rejets radioactifs. Chaque installation nucléaire rejette des pollutions radioactives. Mais ces installations ne sont pas taxées, contrairement aux agriculteurs qui doivent désormais verser une taxe pour l’utilisation des engrais, par exemple.
Vous avez notamment étudié les déchets produits par l’usine de retraitement Cogema de la Hague. On sait qu’elle rejette des polluants dans la Manche, mais que se passe-t-il au niveau des rivières ?
On a relevé des produits chimiques et des rejets radioactifs dans la Sainte-Hélène, une rivière située près de la Hague. Cette pollution est notamment due aux rejets aériens, qui proviennent des deux grandes cheminées de l’usine de la Hague. Cette pollution est légale, du moins lorsqu’elle ne dépasse pas un certain seuil, ce qui n’est pas toujours le cas. Elle est reconnue par le gouvernement. Pourtant, elle n’est pas taxée.
Les installations nucléaires sont-elles les seules à rejeter des déchets radioactifs ?
Non. On peut aussi citer les installations militaires, ou les hôpitaux par exemple. Certains examens, comme la curiethérapie ou la scintigraphie produisent des déchets radioactifs. Dans ce cas, les polluants proviennent des urines des patients. Elles empruntent le circuit traditionnel d’évacuation des eaux usées, et on en retrouve des traces dans les stations d’épuration. Une de nos études a révélé des traces d’iode 131 et de technicium dans la station d’assainissement des eaux de Caen. Bien sûr, les hôpitaux n’ont pas beaucoup de moyens financiers. Pourtant, les moyens à mettre à place pour limiter cette pollution sont relativement simples. On pourrait par exemple stocker ces déchets qui ont des durées de radioactivité courtes avant de les rejeter. Ces frais pourraient par exemple être pris en charge par les Agences de l’eau, si elles bénéficiaient de la redevance de tous les pollueurs.