Linus Torvalds peut-il perdre le contrôle du développement de Linux ? Les prérogatives de l’inventeur du célèbre système d’exploitation en open source seraint de plus en plus contestées.
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Se dirige-t-on vers la fin d’une époque ? Depuis que les géants de l’industrie informatique (IBM, Compaq, Intel, Hewlett Packard, Oracle) dépensent des centaines de millions de dollars dans le développement de Linux, rien n’est plus comme avant dans l’univers du plus célèbre des systèmes d’exploitation en open source.
Linux a été créé en 1991 par Linus Thorvalds, un ingénieur finlandais aujourd’hui âgé de 31 ans. Depuis cette date, Linux a pu constamment s’améliorer, grâce aux contributions bénévoles de quelques centaines d’informaticiens. Le système d’exploitation parvient très vite à faire de l’ombre à son premier concurrent, Windows, du mastodonte Microsoft. Mais au cours de l’histoire de Linux, Thorvalds a toujours conservé la haute main sur toutes les nouvelles modifications du noyau central (le kernel) de son système. Et personne n’avait songé jusqu’ici à lui contester ce droit.
Thorvalds poussé vers la sortie
L’article de Paula Rooney, publié le 26 janvier par crn.com, un journal en ligne américain, tente de montrer que Linus Thorvalds subit une forte pression de la part des grands équipementiers informatiques qui ont investi dans Linux. Au premier rang de ces investisseurs figure IBM, qui a récemment fait part de son intention d’injecter un milliard de dollars dans le développement du système d’exploitation libre. Il faut dire que la création de Thorvalds suscite l’appétit des financiers : Linux demeure un système d’exploitation gratuit, mais les activités dérivées qu’il génère (développements logiciels payants, assistance technique, etc.) génère un chiffre d’affaires annuel estimé à près de 2 milliards de dollars. Selon l’enquête de crn.com, IBM, Compaq et les autres voudraient bien pousser Thorvalds vers un changement de philosophie, sinon vers la sortie. George Weiss, un analyste financier cité par crn.com, remarque : "Au début du développement en open source, tout était fondé sur la gratuité. Mais si les investisseurs se sont impliqués dans le développement de Linux, c’est pour réaliser des profits. Ils y réfléchiront à deux fois avant de parler gratuité à leurs actionnaires."
Noyau souple
Toujours d’après crn.com, beaucoup se plaignent de ne pas avoir affaire à un interlocuteur plus disponible à la tête de Linux. En plus de ses recherches (bénévoles) pour son système d’exploitation, Linus Thorvalds travaille à plein temps pour Transmeta Corp, une société américaine spécialisée dans les microprocesseurs. Dans une interview également mise en ligne par crn.com, Thorvalds nie subir une quelconque pression de la part d’IBM ou d’autres industriels de l’informatique. Qui croire ? Thorvalds est a priori à l’abri d’un coup de force, puisque Linux demeure une marque commerciale déposée par son inventeur. Stéphane Fermigier, président de l’Association francophone des utilisateurs de Linux, ne voit pas de menaces planer au-dessus de Thorvalds. "Le noyau de Linux est suffisamment souple pour que les gros industriels puissent développer leurs propres applications sans nuire à l’organisation générale du système", affirme Fermigier. Le développement de Linux s’appuie sur un réseau éclaté de concepteurs dont la démarche économique est en général incompatible avec le capitalisme pur et dur dont les industriels de l’informatique sont les représentants. Il est difficile d’imaginer quels moyens de pression les industriels pourraient exercer sur un univers aussi hétéroclite et différent du leur.