Transfert

Aidé du journaliste américain David Diamond, Linus Torvalds, le gourou de tous les nerds de la planète, légendaire auteur de Linux, se raconte dans une biographie désormais disponible en français (Editions Osman Eyrolles Multimédia, 312 pages, 98 francs). Et la légende, justement, en prend un coup. De son enfance finlandaise à son entrée chez Transmeta (fabricant américain de microprocesseurs, où Linus est toujours employé), notre héros moderne en sandales et chaussettes (qui " ne [s]’habille qu’en " promofringues " pour ne jamais avoir besoin de [s]’inquiéter d’aller acheter des vêtements ") livre un portrait terriblement terne de son ascension. Fasciné par l’antique calculatrice de son grand-père prof de statistiques à l’université, le petit Linus passe son adolescence face à un ordinateur pour ne s’échapper qu’à l’occasion des boums hebdomadaires de son association scolaire... Il avoue d’ailleurs se souvenir moins des fêtes ou de certains membres de sa famille que des spécifications techniques du processeur 68008.

Freax ou Linux ?

L’aventure du système d’exploitation libre commence en 1991, avec la première version de Linux, un nom adopté sous la pression amicale d’un développeur, au lieu de Freax que Linus avait d’abord choisi. Pour la plus grande joie de ses parents, désespérant de le caser un jour, Linus épouse Tove. Cette étudiante de l’université, à qui il donne des cours, profite d’un exercice (" comme devoir du soir, envoyez-moi un message ") pour lui donner rendez-vous. C’est elle qui aurait donné à Linus l’idée du pingouin comme mascotte de Linux. Suivent la première visite aux ...tats-Unis, à l’invitation de Novell, le premier palier pour Linux en 1995 (version 1.2), le premier enfant et l’entrée chez Transmeta. Au passage, Linus dit tout le mal qu’il pense des micro-noyaux des systèmes d’exploitation en général et de celui de Mac OS X en particulier. Il rappelle aussi que l’aventure a vraiment pris de l’ampleur en 1998, avec la stratégie open source de Netscape et l’adoption de Linux par IBM, Informix et Oracle...

Un peu de philosophie

L’histoire de ce Finlandais amoureux de son ordinateur, si elle a le mérite de rappeler l’épopée du logiciel libre sous l’angle de Linux, aurait pu être un conte moderne pour nerds en herbe. Il aurait suffi d’un peu d’humour pour la rendre plus attachante. Mais Linus est du genre rabat-joie tiède et édulcore volontiers certaines informations. Si son père était un militant communiste en Finlande, il se croit obligé de préciser que ce dernier admit plus tard que c’était " le fruit d’une certaine naïveté ". Linus ne fait pas partie des idéalistes, qu’il voit comme des " personnes intéressantes, mais qui peuvent devenir ennuyeuses, voire, parfois, angoissantes ". Quant à cette idée de s’autoproclamer Dieu lors d’un meeting hébergé par Red Hat à Durham en Caroline du Nord, qui a glacé l’assistance et fait les gros titres de la presse spécialisée, c’était une blague. " Les gens me prennent trop au sérieux ", s’excuse-t-il. Quand Linus, pour finir, joue au philosophe, c’est pour conclure que " le but ultime de la vie est de prendre du bon temps et être heureux ". Merci Linus.