Les webmasters et les dirigeants de start-ups ont intérêt à donner des chiffres mirobolants sur leur fréquentation. Certains n’hésitent pas à gonfler leurs statistiques. Revue de détail (non exhaustive) des petits tours de passe-passe pour faire grimper son audience.
 Arnaud Gonzague |
Près de cinq millions de visites en mars 2001, selon Cybermétrie. Le site de dialogue en direct tchatche.com fait vraiment "péter l’audimat". Il fait même mieux que TF1. Selon le site Statisticator, qui décortique les audiences des sites, l’explication est simple. "
Les sites de chat, comme les sites boursiers ou les messageries en ligne, ont un taux de rafraîchissement très élevé." En clair, tchatche.com utiliserait une fonctionnalité bien connue des webmasters, le "refresh" automatique. L’un des nombreux trucs utilisés pour gonfler son audience. Il s’agit tout simplement de rafraîchir les pages web très souvent. Chaque refresh est comptabilisé comme une page vue. Ainsi, une webcam actualisée toutes les 30 secondes vous fera gagner pas mal d’audience. Il suffit qu’un internaute reste connecté cinq minutes et, ni vu ni connu, vous empochez dix pages vues. Mais tchatche.com ne s’arrête pas là. Le site produit un système de discussion en temps réel qui est proposé sur une foultitude de sites appartenant au patron de tchatche.com. Détail amusant, tous les utilisateurs de ces sites sont comptabilisés par Cybermétrie pour le seul serveur tchatche.com...
Robots cliqueurs
Dans le même genre d’idées, certains s’amusent à insérer discrètement des tags un peu partout sur leurs pages. Traduction : les pages web sont divisées en plusieurs cadres (des frames), invisibles à l’œil nu. Chaque cadre, chaque tag, est comptabilisé comme une page vue. Si la page compte quatre frames, chaque visite est multipliée par quatre. Ces deux modus operandi de l’audience carambouillée sont utilisés plus souvent qu’on ne le croit. Mais il existe d’autres techniques, les unes plus subtiles, les autres plus radicales. Citons d’abord les robots qui cliquent plus vite que leur ombre. Il suffit d’installer un logiciel du type More Clic, que l’on trouve gratuitement sur Internet. Cet internaute virtuel envoie un grand nombre de requêtes sur les pages souhaitées, qui sont ainsi prises en compte dans l’audience du site, alors qu’elles n’ont été vues par personne. Impossible pour les outils de mesure de se prémunir contre ça. En effet, les logiciels en question vont masquer leurs visites derrière des milliers d’adresses IP différentes (en utilisant des proxy).
Cumule des audiences
Mais il y a encore plus fort. Pourquoi ne pas se créditer des visites de ses sites affiliés ou appartenant à ses filiales tant qu’on y est ? Un procédé un peu limite. Un petit tour sur le site de la Fnac pour mieux comprendre. Il est possible d’y écouter plusieurs radios en ligne, grâce au bouquet Multimusic, dont l’un des actionnaires n’est autre que Pierre Bellanger, le président de Skyrock. Il suffit de cliquer sur "Radios en ligne" pour zapper de La guinguette à Planète Rap, en passant par Cactus Country ou Maxidance. Un autre petit clic et une fenêtre s’ouvre sur le lecteur Multimusic, permettant d’écouter ladite radio. Jusque-là, rien d’extraordinaire. Mais en y regardant de plus près, on trouve quelques lignes plutôt bizarres dans la source de la page : "http://stat.cybermonitor.com/skyrock_p ?noscript_multimusic". Avec décodeur, cette ligne signifie qu’à chaque fois que quelqu’un écoute l’une de ces radios sur le site de la Fnac, il est compté comme un visiteur de Skyrock... qui culmine à près de un million de pages vues par mois. Un peu comme si TF1 cumulait dans son audimat l’audience de LCI. C’est de bonne guerre, mais quelques jours après la publication de cette information par Statisticator et, le lendemain, de sa reprise dans ZDNet.fr, la ligne en question avait disparu. Magique...
Ce qui est à moi est à toi
Dans le genre multiplication des petits pains, on trouve aussi le système de frames invisibles. Très fort... Révélée par le site zipiz.com, cette bidouille permet de partager les visiteurs. Ou de les démultiplier. En fait, il suffit d’insérer dans une page HTML un bout de code qui appelle, de manière totalement invisible pour l’utilisateur, autant de sites que l’on veut. Bilan des courses, en chargeant une telle page, le visiteur charge aussi 50 "sites amis", sans que cela n’apparaisse jamais à l’écran. Il est compté comme visiteur de 51 serveurs au lieu d’un. Enfin, on peut signaler le système qui fait ouvrir, en boucle, une nouvelle fenêtre de navigation redirigée d’office vers les sites amis, lorsque l’on quitte le premier site visité. Une chaîne un peu pesante...