Connexx.av, une jeune structure syndicale destinée aux dot.coms, s’initie à la création de comités d’entreprises via l’internet. Dernier succès en date : Pixelpark, le vaisseau amiral de la nouvelle économie berlinoise.
Tout est resté secret jusqu’au lancement de l’offensive en février dernier. "Nous avons été contactés par des employés de Pixelpark Berlin à la fin de l’année dernière. Ensemble, nous avons organisé un groupe de travail pour étudier les conditions nécessaires à la création d’un comité d’entreprise. Nous avons opté pour une action concertée sur le Net", raconte Wille Bartz, membre de Connexx.av et co-organisateur de l’action. Le jour J, les 1 500 employés de Pixelpark ont reçu un e-mail les invitant à créer des structures de représentations des salariés dans leurs filiales. Le succès a été immédiat. En quelques jours, près de 4 000 contributions ont atterri sur le forum créé pour l’occasion par Connexx sur son site web. Prise de court, la direction du fleuron de la nouvelle économie berlinoise n’a pas eu d’autre choix que d’accepter la revendication. Vendredi 2 mars, un bureau chargé d’organiser l’élection a été constitué.
Tensions dans les dot-coms
Hier Tomorrow Internet, Tiscali Allemagne ou EM.TV, aujourd’hui Pixelpark Berlin, demain POP Net, Pixelpark Cologne, etc. Chez Connexx.av, un projet pilote fondé en 1999 par le syndicat des Médias (IG Medien) et la Fédération syndicale allemande des employés (DAG), on voit l’avenir en rose. "Avec l’effondrement du Neuer Markt et la mauvaise conjoncture du secteur, les demandes d’aide de la part des employés des dot.coms se multiplient. Dans ce domaine, le niveau d’organisation des travailleurs est proche du zéro. Ils ont besoin de notre savoir-faire et de notre appui", constate Willi Bartz.
Avec la disparition des bénéfices et de la confiance des investisseurs, l’ambiance et les conditions de travail dans la nouvelle économie allemande se sont singulièrement dégradées. L’euphorie des débuts, le sentiment d’appartenir à une famille et d’inventer l’avenir ou encore les perspectives de gains miraculeux par stock-options interposées, tout ce qui a longtemps contribué à faire accepter les nuits blanches ou les bas salaires, a disparu. "Le cas de Pixelpark est exemplaire. La communication interne n’a pas suivi la croissance rapide de l’entreprise. Les gens en ont eu marre d’apprendre ce qui se passait dans leur entreprise par voie de presse", raconte M. Bartz. Avec la crise, la rationalisation du travail et le besoin d’économies se sont renforcés. On a commencé à pointer les heures d’arrivée des salariés au bureau. Les augmentations de salaires et les primes, elles, sont passées à la trappe. La forte identification des employés au projet d’une entreprise déficitaire que Bertelsmann, qui en détient 58 %, a en outre ouvertement promise à la vente, n’y a pas résisté.
Grandes manœuvres syndicales
Pour les syndicats allemands, la situation actuelle est une aubaine. Pris au dépourvu par la récession économique des années 92/93, ils n’avaient, jusqu’à présent, pas su comment réagir face à l’apparition des entreprises du secteur de l’Internet et des télécommunications, des entités de taille souvent modeste et à la mentalité individualiste. Pendant plusieurs années, les syndicats, organisés sectoriellement, se sont surtout livrés une guerre fratricide pour savoir qui, de l’un ou de l’autre, s’occuperait de ces secteurs d’avenir créateurs d’emplois. Qui de l’IG Medien ou du Syndicat de la banque de l’assurance et du commerce (HBV), gérerait le secteur du online banking et les entreprises de e-commerce ? Qui de l’IG Metall, présent dans l’électro-mécanique, ou du syndicat de la Poste (DPG), s’adjugerait le secteur des télécommunications ? Pour sortir de cette situation aberrante, des solutions ont finalement été négociées. L’IG Metall, le plus gros syndicat sectoriel du monde avec plus de trois millions de membres, s’occupera désormais de toutes les entreprises issues de l’industrie classique comme Siemens ou IBM. Tout le reste dépendra de Verd.i, le grand syndicat des services en cours de création. Celui-ci tient en effet son congrès fondateur du 17 au 20 mars prochain et réunira le DPG, l’IG Medien, le HBV et l’ÖTV, le très influent syndicat de la fonction publique. Au sein de cette nouvelle structure, chaque syndicat conservera son domaine de base. Parallèlement, de petites unités chargées de quadriller les nouveaux secteurs seront créés sur le modèle de Connexx.av. Wille Bartz énumère ainsi les avantages de cette nouvelle approche : "Nous sommes une petite structure flexible, spécialisée et relativement indépendante. Nous répondons rapidement aux appels et nous ne pratiquons pas la langue de bois : aucun de nous n’est syndicaliste de carrière. Et surtout, nous réalisons un gros travail de conseil en amont sans demander aux gens de prendre tout suite leur carte."